7ème nuit du court océanien, devant un public conquis
Cette 7ème édition du « court océanien », qui vient clôturer en beauté la première journée du off de cette 13ème édition, a été présentée aux nombreux spectateurs qui remplissaient le Grand Théâtre de la Maison de la Culture par Wallès Kotra président de l’AFIFO, accompagné de Marie-Noëlle Frémy et Marie-Christine Lubrano, toutes deux membres du jury de présélection. En marge de la compétition de documentaires, une sélection de 18 courts métrages – plus ou moins courts, car allant de 30 minutes à 1 minute et 30 secondes – produits en Polynésie française (6 courts métrages), Australie (6), Nouvelle-Zélande (3) et Nouvelle-Calédonie (3) a été proposée au public. Retour sur une soirée pleine de rebondissements, d’émotions, de surprises… en pleine immersion dans les cultures du Pacifique, « tout ce que chacun peut attendre de découvrir des territoires océaniens » !
Le spectateur qui s’apprête à entamer une soirée telle que la nuit du «court océanien» se prépare mentalement à débuter un marathon, cinématographique, bien sûr. Impatient sur la ligne de départ, le signal retentit et en un instant, les lumières se tamisent et la projection commence… Les deux heures et demie de courts métrages passent en un rien de temps ! Car c’est un véritable voyage entre les cultures du Pacifique, entre les époques, entre les tons et les genres dont il s’agit.
Cette année, les productions polynésiennes et australiennes sont mises en avant au regard du nombre de courts présentés, de même que les « moyens métrages » : 30 minutes pour Au large d’une vie ; 18 minutes pour The landing ; 15 minutes pour Ross and Beth.
Les genres proposés sont également très variés, l’humour et la science-fiction sont un dénominateur commun à de nombreux courts métrages, bien que le drame l’emporte dans l’ensemble. L’humour australien garde un ton sarcastique dont on ne se lasse pas, notamment avec Fixed, qui nous plonge dans le quotidien routinier d’une famille -papa, maman, les trois enfants et la chienne- bouleversée par la stérilisation de leur compagnon à quatre pattes. Le duo de courts métrages produits par la même équipe de réalisateur et producteur australiens (Venetia Taylor et Daniel Prypchan) aborde le thème du mariage, à travers ses dilemmes et ses paradoxes : Date with fate (rencontre avec l’avenir) qui caricature une rencontre de speed dating où se retrouvent face à face une femme d’âge mûr avec… son mari ; et The future (l’avenir) qui, dans une dimension inverse mais toujours avec cet effet miroir, place un jeune couple face à leurs propres avatars revenus du futur, et remet immédiatement en question leur engagement à travers le mariage qui les attend. Les productions néo-calédoniennes ne sont pas en marge, sur un ton bien plus comique et burlesque (Galaxie sondage, sur fond de science fiction dans une ville où se côtoient humains et morts vivants, le protagoniste doit réaliser des sondages de ces êtres étranges, à ses risques et périls…), inspiré parfois du film d’horreur (La nuit du rôdeur). Sans oublier le court métrage polynésien Tahiti (réalisé et produit par Raurii Gatien), qui a conquis le public grâce à un humour jovial et chaleureux, en revisitant les habituels clichés polynésiens en y portant un regard drôle, axé sur la dérision, sans pour autant oublier l’importance de revaloriser la vraie Polynésie, ses mœurs, sa culture ancestrale et son âme traditionnelle.
Mais c’est le drame qui reste le genre majoritairement représenté. Le spectateur passe du rire à l’émoi en quelques secondes, d’un ton humoristique au cynisme de certaines réalités océaniennes, en passant par l’onirisme de graphismes recherchés (Te hope’araa ho Hina) et de fictions singulières, tout en se plongeant dans l’authenticité de paysages (Tohunga, Ross and Beth), cultures, pratiques et sagesses d’Océanie. C’est le cas d’Au large d’un vie, première production polynésienne, qui relate le parcours de Teva, premier producteur polynésien à réaliser un long métrage, invité en Polynésie pour présider le festival Court des îles. La fiction se mêle à la réalité avec le choix d’un sujet si populaire qu’est le dilemme entre l’ambition de réussir, telle une nécessité, un défi à relever, qui implique de tout quitter (la famille, les êtres aimés, le Fenua…). « Attendre, c’est terrible, surtout quand on attend quelqu’un qui ne revient pas…» se lamente l’amie de l’époque du protagoniste. Le sacrifice du départ, et les obstacles qui restent à surmonter une fois parti, se confrontent à la rupture familiale que cela implique, impose. Mais ce qui compte, finalement, c’est l’avenir, au delà de l’exil et du retour à Tahiti : « tu es relié à cette terre par un fil invisible », conclut feu le grand-père du protagoniste dans une lettre découverte trop tard…
Une autre réalisation néo-zélandaise, Ross and Beth, revient sur la thématique du couple et de la séparation, ainsi que de la nature des rapports humains. Dans le quotidien rural d’un couple sexagénaire, éleveurs de bétail et producteurs de lait, qui sont victimes de la routine de leur vie. À tel point que leurs rapports se tarissent, s’usent… jusqu’à ce que la mort les sépare, soudain. C’est seulement qu’alors, le père de famille désormais veuf, prend conscience de la beauté de la vie, de la simplicité des rapports humains. Lorsqu’il ne reste plus rien, seule la connexion avec la Nature apporte un peu de réconfort… sauf si la jeune génération prend le relai !
Sur une autre thématique, The landing -par ailleurs, prix du public du Court des îles 2015- réalisation australienne de science-fiction par Josh Tanner, plonge le protagoniste (un père de famille agriculteur, isolé en milieu rural) face aux paradoxes de la guerre froide. Qui sont les ennemis ? ne cesse-t-il de demander à son jeune fils. C’est alors qu’une capsule aérienne s’écrase dans son champ, sous les yeux de son fils. Qui est le pilote de cet OVNI ? Comment va réagir le père face à cette intrusion en pleine guerre froide ?
Pour conclure cette série, le coup de coeur du public porte sur le court métrage néo-zélandais Tohunga, réalisé par Rebecca Collins, qui nous plonge durant 8 minutes dans un cadre rural à Aotearoa, au chevet d’un jeune maori gravement malade. Quand tout semble perdu, la famille convoque un Tohunga, guérisseur traditionnel maori ayant recours à une cérémonie rituelle ancestrale afin de procéder au rite de guérison. Toute la scène est attentivement suivie par Mihi, soeur du jeune malade, qui est captivée par le tapu qui entoure ce guérisseur mystérieux, dont personne ne parle, que personne ne touche ni ne regarde, qu’il faut alimenter car son caractère sacré lui refuse la possibilité de le faire lui-même. Sa grande sacralité semble incompréhensible, sauf peut-être par le regard sincère d’une enfant, qui reçoit en retour le regard profond et authentique de cet être plein de Mana. Qui pourtant, s’expose aujourd’hui à des poursuites judiciaires pour l’exercice de ses aptitudes ancestrales…
Dernier petit clin d’oeil à la production polynésienne avec la légende Hina, Te hope’araa no Hina, réalisée et produite par Leia Chang Soi. Sur un fond sonore de to’ere, c’est une belle animation graphique qui met en scène la fameuse légende de la déesse Hina, en tahitien. Les valeurs de courage, persévérance et de préservation de la culture traditionnelle sont mises à l’honneur dans cette belle réalisation.
C’est donc bien une sélection éclectique qui a été proposée lors de cette 7ème nuit du court océanien, alliant la fiction à la réalité, en portant un regard sur toutes les cultures du Pacifique représentées, sous des angles et des tons polyvalents.
Interviews
Marie-Noëlle Frémy – Membre du comité de présélection des courts métrages
FIFO : Le public semble satisfait dans l’ensemble de la sélection de courts métrages présentés ce soir, avec cependant la remarque signalant le choix porté sur des courts métrages plus longs, peut-être moins humoristiques que les autres années. Des thèmes plus sérieux donc, des sujets de fonds souvent, marquent le ton de cette 7ème nuit du court océanien. Cette orientation thématique fait-elle partie d’une volonté du comité de présélection ?
M-N Frémy : La sélection se base surtout sur les productions qui nous sont soumises, donc des productions effectivement originaires de l’Océanie, pas tant d’une volonté de la part du comité de présélection. Il ne s’agit pas de présenter des courts « plus sérieux » mais bien d’offrir une soirée de divertissement complète dans le contenu. Un moment de détente et de rire, mais pas que, qui correspond aux sujets abordés par les productions océaniennes.
FIFO : Le public polynésien semble dans l’attente de retrouver plus de films et de courts métrages polynésiens sur les écrans du FIFO.
M-N Frémy : Il faut rappeler que cette année, la part belle est faite aux productions audiovisuelles polynésiennes, qui sont plus nombreuses en quantité et en durée. C’est entre autre le cas d’Au large d’une vie (30 minutes). La qualité des productions reste un facteur majeur dans la sélection, car les courts doivent être adaptés à une projection sur grand écran et remplir des conditions techniques. D’ailleurs, le public semble avoir apprécié, car nous avons beaucoup ri pendant la soirée, le public était engagé et réagissait chaleureusement. Ce qui donne envie de revenir pour poursuivre l’aventure, dès mardi matin lors de l’inauguration officielle de ce 13ème FIFO !
Tevai Maiao – Réalisateur polynésien, vainqueur du Vini Film Festival 2014 – Prix de la meilleure réalisation et Président du Vini Film Festival 2015
FIFO : Ton avis sur cette 7ème soirée du court océanien ?
Tevai Maiao : C’était top ! Une belle sélection de réalisations océaniennes, notamment australiennes, néo-zélandaises (dont quelques coups de coeur!) et polynésiennes, qui attestent que le niveau international et océanien en particulier est élevé en termes de productions audiovisuelles. C’est une belle soirée qui nous a été offerte, agréable et avec une sélection variée.
FIFO : Et ton regard sur la situation polynésienne dans ce contexte océanien de production audiovisuelle ?
Tevai Maiao : La barre est donc haute pour la Polynésie avant d’atteindre cette qualité de réalisation. Il faudrait pour cela que la production de courts métrages polynésiens se développe, que l’on produise plus, tout simplement pour apprendre à travers la pratique et ainsi acquérir plus d’expérience dans le domaine, notamment sur le plan technique, la qualité d’écriture des scénarios et de la narration. Mais la première vraie génération de polynésiens producteurs est en train de se structurer, c’est encourageant !
Avis du public
John et Pierrot – Première visite au FIFO
Une sélection éclectique, pleine de surprises dans les sélections. Plutôt surpris par les films de science-fiction, tel que Shelved. C’est aussi l’émotion qui prédomine dans ce que l’on retient (Ross and Beth), ainsi que le côté traditionnel de la culture maori, notamment avec Tohunga, qui parvient à transmettre un message si fort en l’espace de 8 minutes, et ainsi revenir sur une thématique culturelle que l’on retrouve aussi en Polynésie. On constate que dans l’ensemble, il y a une recherche d’identité culturelle commune aux productions océaniennes, au-delà du contexte polynésien, qui s’accompagne d’une valorisation des cultures traditionnelles du Pacifique. On a bien rigolé également, avec les productions néo-calédoniennes humoristiques !
Kalu – Habitué du FIFO
Une soirée très sympa, un beau panel de courts métrages dans l’ensemble, avec pourtant un avis mitigé par rapport aux autres années. Ce sont plutôt des moyens métrages et une récurrence de thématiques plus sérieuses qui ont été présentés. Certains courts auraient mérités de l’être un peu plus ! Coup de coeur cependant pour Ma lettre de correspondance, beau moment d’émotion polynésienne. Également Ross and Beth, moment émouvant bien qu’authentique. Et du rire, bien sûr ! La semaine de FIFO s’annonce bien !