Buscando a isla de Pascua : la pelicula perdida
Film hors compétition réalisé par Carmen E. Brito, produit par Andrea Seelenfreund et Leo Pakarati (60 minutes, Chili)
La salle est comble lorsque la projection de Buscando a isla de Pascua : la pelicula perdida commence, de nombreux étudiants trépignent d’impatience à l’idée d’assister à une projection en version originale en espagnol, sous-titrée en français. Dès les premières minutes, les images d’archives projetées sur fond de toere plongent la salle dans le silence… Et le public s’embarque sur les traces du couple de producteurs et réalisateurs Jorge Di Lauro et Nieves Yankovich, dont le film a été « oublié » depuis les années 1960. Retour sur le défi étonnant de Carmen E. Brito, réalisatrice du documentaire, par ailleurs restauratrice de films, qui a réussi à faire revivre ce documentaire inédit.
C’est en 1961 que Jorge Di Lauro et sa compagne Nieves Yankovich se lancent dans la réalisation d’un projet de film documentaire inédit à l’époque, portant sur la culture du peuple Rapanui, habitants de l’île de Pâques, à travers une approche pluridisciplinaire. Le sujet s’ouvre sur une séquence où une jeune femme Rapanui fredonne « je cueille du nehe nehe qui pousse sous les moai », première bribe de résultat du travail minutieux et exigeant réalisé par Carmen E. Brito, qui s’est attachée à reconstituer et à restaurer les pellicules « oubliées » depuis plus de cinquante ans, augmentées de scènes coupées, retrouvées dans une boîte de conserve !
Outre la difficulté à restaurer des pellicules vieilles de près de cinquante ans, la démarche est d’autant plus cruciale qu’elle répond à une attente du peuple Rapanui : celle de restituer des vestiges culturels à la jeune génération, en revenant sur une époque dont subsistent peu de traces aujourd’hui, alors que la dictature chilienne sous Pinochet était encore en place. Un sujet polémique donc, à l’époque où les valeurs culturelles traditionnelles du peuple Rapanui étaient peu valorisées. Défi que Di Lauro et Yankovich relèvent avec brio : ils parviennent à saisir des scènes du quotidien (fêtes populaires, scènes de danses traditionnelles, pêche, chevauchées à cheval dans les plaines…) qui retranscrivent des scènes authentiques, parfois volées… Le spectateur constate cette émotion palpable dans les yeux du public Rapanui, qui traverse leurs visages tout au long des projections, ainsi que la nostalgie qui les habite, en particuliers les plus anciens, qui reconnaissent une grand-mère, un oncle, une cousine… Rires, surprises, pleurs parfois. « Nous nous sommes tous réunis dans une salle communale, et ensemble, nous avons ri et nous avons pleuré… » témoigne un Rapanui ému, fier de découvrir la valeur patrimoniale de ce documentaire, témoin de deux époques qui s’opposent, entre modernité et tradition.
Le documentaire, une fois les images montées et le travail de post-production effectué, fut diffusé dans un petit cinéma de Santiago du Chili en 1964, lors d’une unique projection en salle. Le couple Di Lauro et Yankovich a pourtant continué à effectuer des projections quotidiennes, dans un cadre intimiste et auprès de leurs proches, amis et aficionados d’un genre encore méconnu à l’époque, alors que les documentaires étaient considérés -du moins, au Chili- comme un art mineur, objet d’expression d’une poignée d’intellectuels en marge des grosses productions de cinéma. Leur souvenir est désormais vivant dans le coeur du public nombreux qui a assisté aux projections publiques à Rapa Nui, et aujourd’hui, des Polynésiens au FIFO !
Avis du public
Pierre-Henri Nadal – Professeur d’espagnol au lycée du Taaone, accompagnant sa classe de 2nde
Une projection très intéressante, qui atteste bien que la mémoire des Rapanui n’a pas été si bien conservée. Il me semble intéressant que l’on se soit intéressé à porter ce regard là, surtout dans les années 1960. Alors qu’en Polynésie, on a tout de même su préserver mieux qu’à Rapa Nui la culture traditionnelle.
C’est aussi une volonté en tant qu’enseignant de faire découvrir à mes élèves un documentaire en espagnol, qui porte sur la culture d’un peuple océanien et de les sensibiliser à cette question de sauvegarde de leur propre culture.
Corinne et Nicole
Une belle projection, on constate sincèrement l’émotion partagée par le public Rapanui lors de la découverte de ce film ! On a vraiment ressenti l’émotion liée à un thème aussi touchant et bouleversant.