Des ateliers et master class pour découvrir et échanger
Conférences, ateliers, master class… Le festival Polynesia est riche en activités, animées par les artistes des différentes délégations. Parmi les sujets abordés : l’art du conte et la langue.
« Aloha ! » chante Moses Goods. Le conteur hawaiien, connu dans son pays autant qu’à l’international, anime la master class « art du conte » de ce mardi 13 septembre. Dans sa langue d’origine, il décrit sa profession : raconter les histoires de « nos ancêtres ». Devant lui, deux élèves : une jeune Polynésienne de 20 ans, Meari, et Leonore, une conteuse professionnelle. « Je veux que vous vous présentiez d’abord en vous faisant petit, ensuite en vous grandissant ». Les regards se cherchent et se perdent au milieu de la salle de projection de la Maison de la Culture. Alors, face aux interrogations silencieuses de ses élèves, Moses montre l’exemple. Il s’accroupit, en position du chat, et se lève petit à petit, jusqu’à ce que ses bras s’ouvrent complétement. Tout en disant son prénom. Tour à tour, les élèves font de même. « On commence toujours comme ça car une histoire se raconte par la gestuelle. On doit être bien dans son corps pour dégager une bonne énergie. C’est ainsi que le public nous écoutera ! ».
Partage de savoir
Au programme de ce cours privé : le travail du mouvement, du contact visuel et de la manière d’utiliser la voix. « Et, si on a le temps, nous imaginerons une histoire et on se la racontera ». Pendant un moment, les élèves, et l’interprète qui s’est prêtée au jeu avec enthousiasme, ont travaillé sur le mouvement : marcher, se laisser guider par un membre… Une à une, elles ont ensuite raconté ce que cela leur avait procuré comme émotion. « Ca m’aide à construire les personnages de mes contes, lance Moses. Le menton, c’est quelqu’un de fier ; le dos, c’est le guerrier. La gestuelle permet de raconter, nul besoin de la langue pour comprendre ! ». Le deuxième point est ensuite abordé : le contact visuel. Le professeur propose trois types exercices. L’objectif : exprimer un sentiment avec le regard. Les élèves s’amusent et se détendent. On sent chez l’une comme chez l’autre une certaine confiance en soi. Si l’ainée est une professionnelle dans l’art de conter, la jeune Meari se défend aussi très bien. L’étudiante en reo tahiti à l’UPF est une habituée du orero, elle a d’ailleurs été lauréate lors des rencontres durant ses années collège. « J’apprends autre chose avec lui, on a de la chance qu’il partage son savoir avec nous », confie la jeune femme, enchantée par les activités proposées sur le festival. « Cet évènement renforce nos connaissances. Et c’est du concret, ce n’est pas seulement de l’écrit. Il faut que les jeunes Polynésiens viennent, nos cousins sont venus de loin pour partager leur culture ! » Meari espère que son message sera passé…
Chercher dans son histoire
Non loin de là, dans la salle Mato se déroule un autre atelier : un cours d’une heure sur la langue de Rapa Nui. Elles sont deux professeurs : une experte en écriture, et une autre en langue. Les élèves sont nombreux. On retrouve une femme originaire des Samoa, deux personnes de Tahiti, et des élèves de collège. Les professeurs se présentent en rapa nui. Une langue dont l’écriture est bien particulière. Kara Pate, professeur à l’université du Chili, raconte une partie de son histoire. Avant l’arrivée des missionnaires dans les années 1800, les rapa nui n’avaient pas de papiers. Ils écrivaient sur une tablette en bois. Cette écriture s’appelle le Rongo Rongo, elle compte 1333 lettres. Elle traduit à la fois une tradition, une culture, mais aussi une forme de sagesse. « Les missionnaires ont voulu interdire la langue pour ce qu’elle représentait. Nous l’avons perdue. Il nous est désormais difficile de connaître notre histoire. Heureusement, il y a de collections de Rongo Rongo à Rome, à Berlin ou encore à Tahiti », poursuit cette enseignante qui travaille sur une reproduction de 24 tablettes préservées dans ces musées. Cette descendante de Timonika, qui fit connaître l’histoire du Rongo Rongo, raconte la manière dont on les travaillait, le matériau utilisé, le sens de lecture, et le chant qui l’accompagne. L’assemblée est concentrée, malgré la jeunesse de certains.
Une vision plus large
En deuxième partie d’atelier, c’est l’autre professeur qui entre en scène. Durant l’heure qui reste, elle va apprendre les bases aux élèves : se présenter, savoir décrire son état, etc. « Pehe Koe ? C’est comment ça va ? A vous ! ». Les jeunes élèves réagissent timidement, certainement par honte, les plus anciens y vont de bon coeur. Au fur et à mesure, tout le monde se prête au jeu. A la fin de la séance, chacun sait dire son prénom et son état mais aussi poser des questions. « C’est une belle langue. On entend des similitudes avec la langue des Paumotu, confie Tearoarii Turina, étudiante à l’UPF. Cela nous permet d’avoir une vision globale de la langue polynésienne. Pour une fois, un festival nous donne accès à cela, ça devrait être plus souvent ».
Suliane Favennec
Rendez-vous tous les jours pour découvrir les différents ateliers, master class et conférences du festival Polynesia.