FIFO 2014 – Conférence de Emmanuel Tjibaou sur L’Art Océanien, son histoire et son devenir.
La 1ère conférence dans le cadre du 11ème FIFO s’est tenue sous le chapiteau, ce mardi 4 février, avec Emmanuel Tjibaou, directeur du Centre Culturel Jean-Marie Tjibaou depuis 2011. Il est aussi linguiste et poète et son travail passionnant consiste à récolter des témoignages oraux dans différentes communautés pour perpétuer l’histoire des traditions.
Il nous présente l’Art océanien et son cheminement de la période coloniale jusqu’à la création d’infrastructures accueillant les nouvelles formes de l’Art océanien. Enfin il pose la question : De quelle manière insulaire les nouveaux concepts artistiques sont-ils intégrés, afin qu’ils fassent sens pour les sociétés océaniennes? Soit quel avenir pour l’Art Océanien?
On le sait, l’Art océanien tire son essence de la tradition orale et chemine de l’émergence de la civilisation selon différents mythes originels jusqu’aux ancêtres à une société qui s’est structurée et a partagé ses terres.
C’est en 1774 que la Nouvelle Calédonie découvrait pour la première fois les Occidentaux, dont l’expansion partout en Océanie a été relativement rapide. Les échanges de marchandises font découvrir à ces populations océaniennes de nouveaux objets en échange de leur patrimoine végétal et minier entre autres. Lorsque l’on parle d’Art primaire, cela représente des objets de rituels. Au 18ème et 19ème siècle l’évangélisation «brutale» conduit à la destruction de ces objets qui sont parfois aussi emportés en Europe. Pour des occasions comme l’exposition universelle de 1931 à Paris par exemple, ces objets de rites sont décrits comme «sauvages», «curieux», d’où aujourd’hui les «curios» devenus des lieux de vente de marchandises culturelles et touristique.
«C’est ainsi qu’au 20ème siècle s’ouvre une période de transformation de l’Art Océanien par le biais d’un nouveau souffle avec des artistes comme Gauguin, Picasso ou encore Matisse. Ils déplacent l’objet «sauvage», qui devient un objet esthétique, épuré» ajoute Emmanuel Tjibaou. «Un nouveau regard apparait qui déplace la vision de l’objet océanien qui n’est plus ethnologique mais esthétique» Ces objets rentrent alors dans un concept d’art océanien mais ne sont pas de nouvelles créations. Ce n’est que dans les années 70 que la création renaît de ses cendres et ou l’on comprend que ces œuvres d’art permettent de mieux comprendre les sociétés d’autan comme nos sociétés modernes. La matérialisation de l’esprit dans un objet n’est plus dénigrée mais valorisée. Les objets d’art créent une nouvelle conception dans nos sociétés, ils gardent aujourd’hui un aspect social mais aussi esthétique de façon indissociable, ce qui leur donne du sens. L’arrivée du plasticien Aloi Pilioko ou encore la création du Festival d’Arts en Nouvelle Zélande en 1976 en sont les parfaits exemples.
«Après une période de réappropriation et de création, aujourd’hui le développement de l’Art Océanien est encouragé par l’existence de structures comme celle que je dirige ou par de nombreuses publications. Cela s’explique par l’émergence d’une politique dont le pivot est la culture partout dans le Pacifique. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’à l’échelle de l’Histoire cela est nouveau. L’important c’est de donner du sens car l’enjeu est d’exister aux yeux du reste du monde. L’art Océanien a aujourd’hui ses marques de noblesse et rencontre un grand succès dans le monde, ainsi qu’on peut le constater au quai Branly par exemple» conclut Emmanuel Tjibaou.