FIFO 2014 – « La compagnie des archipels » : Une brigade pas comme les autres
« La compagnie des archipels », documentaire en compétition de Jacques Navarro a suscité l’intérêt d’un public venu nombreux lors de sa projection suivie d’une rencontre avec le réalisateur. C’est la chronique de 8 gendarmes, 4 Métropolitains et 4 Polynésiens – dont 2 femmes – assignés aux affaires judiciaires des Tuamotu, territoire de la taille de l’Europe. On découvre au travers de leur quotidien une proximité exceptionnelle avec les populations locales.
« On fait notre job » dit l’un d’entre eux au début du documentaire, mais leur travail est résolument à l’antipode des gendarmes de Tahiti et de France. Un documentaire frais, loin des banlieues, dans un paradis qui n’empêche pas les problèmes sociaux parfois dramatiques. « Quand les gendarmes sont là c’est calme » témoigne un habitant. Pendant 1 an et demi Jaques Navarro a suivi cette brigade pas comme les autres. Polyvalente, elle doit faire face aux conflits familiaux, à l’inceste, lutter ou plutôt contenir la prolifération de paka mais aussiÂÂ faire passer le permis de conduire voire servir de notaire à l’occasion. Sous l’œil amusé du réalisateur les spectateurs découvrent que faire appliquer la loi dans les îles du bout du monde peut paraitre parfois surréaliste.
Ces héros du quotidien ont acquis l’art de comprendre et de démêler les conflits. Un exercice délicat toujours réalisé avec humour et dignité ; des interventions pleines d’ironie où le cultivateur de paka aide les gendarmes à détruire ses plants. A la messe comme pendant les interrogatoires, la présence de la caméra semble avoir été oubliée par la population et les gendarmes eux-mêmes. « La compagnie des archipels », l’envers du décor d’un paradis où le temps passe sereinement et pourtant…
FIFO : « Comment est venue l’idée de ce documentaire avec ces gendarmes?
Jaques Navarro : «Lors d’un précédent tournage à Makatea, j’avais déjà rencontré deux des gendarmes, avec une journaliste des Nouvelles, Khadidja Benouataf, qui a lancé l’idée de ce documentaire et préparé le terrain. Cela a pris du temps entre l’idée et le tournage – en tout 4 ans – et il a fallu du temps pour obtenir les autorisations. Sur place ils avaient beaucoup d’autonomie, ils dorment et mangent chez l’habitant, et comme ils sont très peu nombreux dès qu’il se passe quelque chose tout le monde est au courant. C’était intéressant car ça donne une image différente de la gendarmerie, beaucoup portée sur l’humain, sur la compréhension des choses. Mais à la base je ne voulais pas faire un film à la gloire des gendarmes. J’avais 18 ans pendant Mai 68, donc bon. Mais j’ai été confronté à des gens qui appliquaient la loi avec discernement, qui rendaient un vrai service public, sur les valeurs républicaines, c’est ça que je voulais montrer.»
FIFO : «Est-ce que l’objectif était de montrer la nécessité des gendarmes dans ces îles?»
Jaques Navarro: «L’idée de ce documentaire était de rendre compte des choses que vivait cette brigade, il n’y a pas un seul commentaire dans ce film, les situations suffisent à elles mêmes. On voulait montrer une réalité qui a des spécificités, on l’aura compris. Quand ils sont en mission ils partent toujours à deux et ce qu’il était intéressant de montrer aussi c’est leur fonctionnement. Un popa’a et un Polynésien, pour une raison simple et facile à comprendre. L’un pour la langue bien sûr mais en revanche le Polynésien peut avoir de la famille, être pris à partie, donc il y a toujours un popa’a pour avoir ce recul nécessaire à l’exercice de faire appliquer la loi.»
FIFO : «C’est aussi un film où l’on rigole beaucoup, pourtant il y a des situations dramatiques également. Est ce que tu t’es autocensuré pour garder ce fil humoristique?»
Jaques Navarro : «S’il y a de l’humour dans le film c’est parce qu’il y a de l’humour dans les situations que j’ai filmées. L’autocensure, alors là non. Par contre il y a bien sûr le choix du réalisateur car on a une centaine d’heures d’images. Il faut choisir, le film ne fait que 52 minutes. Ce sont des choix artistiques et des choix par rapport au regard que je porte, que porte Julien Mart , le monteur à qui je rend hommage. Je pense que l’humour sert aussi les scènes plus graves car elles ressortent encore plus graves. Ca nous tombe sur la tête.»
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