FIFO 2016 : Hommage à l’humanité
FIFO 2016 : Hommage à l’humanité
La soirée de remise des prix de ce FIFO 2016 s’est déroulée au Grand Théâtre ce vendredi 5 février, dans la bonne humeur et le partage. Retour sur ce moment…
Président de l’AFIFO, ministre de la Culture, Haut-commissaire, représentants de France Télévisions… Les personnalités défilent sur la scène du Grand Théâtre devant un public déjà chauffé par l’hymne du FIFO, chanté quelques minutes auparavant par l’équipe du festival pour ouvrir cette cérémonie. Chacun y va de son bon mot. « Cela fait chaud au cœur de voir tout ce monde dans les salles », lance le Ministre de la Culture, Heremoana Maamaatuaiahutapu. « Merci d’avoir partagé ce que vous aviez dans les tripes », déclare de son côté le président de l’AFIFO, Wallès Kotra. Avec sa chaleur habituelle, l’homme remercie le président du jury, Abderrahmane Sissako, assis au premier rang de la salle. Wallès Kotra en profite également pour annoncer les dates du prochain festival. Le 14ème FIFO se déroulera donc du 4 au 12 février 2017. Un festival qui sera encore très lié avec la chaîne Polynésie 1ère. « Nous venons de signer une convention qui nous lie sur trois ans ! », annonce Jean-Philippe Pascal avant de laisser la parole à Mateo, l’animateur.
Place désormais à la remise des prix. Cela commence avec le marathon d’écriture de scénario. Gilles Cayatte, représentant dde la SCAM, et Lola Joly, de la plateforme de crowfunding Touscoprod, annoncent le gagnant du concours : Sophie Blanc. Cette scénariste en herbe a déjà ses fans. « Bravo Sophie, bravo ! » entend-on par ci par là. Une mention spéciale du jury est également décernée à une autre marathonienne. C’est ensuite au tour de René Boutin, membre du jury et directeur du festival calédonien Ânûû-Rû Âboro, et d’Eric Leblanc, de prendre place sur la scène afin d’annoncer le prix du public dans la catégorie court-métrage. « C’est le prix le plus recherché par les réalisateurs, j’ai donc l’honneur d’annoncer que le gagnant est … Fixed de Codey Wilson et Burleigh Smith ». Tonnerre d’applaudissements dans le Grand Théâtre.
Après la prestation des danseurs de Ori i Tahiti, les jury de ce FIFO montent sur scène. Abderrahmane Sissako prend la parole. On sent l’homme ému, même un peu bouleversé. Le réalisateur mauritanien a été sincèrement touché par la chaleur et la générosité du peuple Océanien. « J’ai été très heureux de découvrir un univers et des humanités. Je laisse maintenant la parole à mon ami et mon frère Teva ». Teva Pambrun, membre du jury, annonce une mention spéciale du jury. « Le FIFO est un cri. Il y en a eu un. C’est quelque chose qui arrive au Fidji mais peut arriver ici. Nous avons donc décidé de décerner une mention spéciale au documentaire Le salaire des profondeurs ». La réalisatrice n’en croit pas ses oreilles. Avec émotion, elle prend le micro : « nous avons gagné notre pari, la parole a été portée ! ». Vient le tour d’annoncer les autres prix du FIFO. Tour à tour, membres du jury et partenaires vont monter sur scène pour révéler les gagnants.
Tupaia remporte le 3ème prix spécial. Le jury a récompensé le travail historique accompli sur ce navigateur polynésien. Le documentaire néo-zélandais The price of peace remporte le 2ème prix du jury. « Vous avez su être là, à un moment clé, avec votre caméra. C’est un film avec un message fort ! », déclare Lisa Duff, membre du jury, en remettant le prix, une statuette réalisée par les élèves du Centre des Métiers d’Art, à la réalisatrice Kim Webby. The ground we won remporte le 1èr prix spécial. Ce film réalisé en noir et blanc raconte avec humanité et justesse la vie d’agriculteurs néo-zélandais amateurs de rugby. Sans grande surprise, c’est Hip Hop-eration qui remporte le prix du public. Cette hymne à la joie, ce portrait vivant de nos grands-parents, a littéralement conquis les spectateurs polynésiens. « Mauruuru. Merci pour mon équipe et mes réalisateurs. C’est un film pour nos grands-parents. Alors quand vous rentrez chez vous ce soir, embrassez-les ! », lance le producteur Alex Lee avant de quitter la scène, ému.
Vient le moment le plus important de la soirée… L’annonce du grand prix du jury. Abderrahmane Sissako, suivi de Wallès Kotra et Michel Kops, monte sur scène. C’est le président du jury qui prend la parole. « On part demain, le cœur serré. Le groupe de danse était merveilleux. Cela est merveilleux de préserver sa culture comme vous le faites ! ». Le réalisateur mauritanien revient ensuite sur le choix du jury pour ce prix. « L’auteur de ce film a su utiliser l’art en toute simplicité pour faire le constat terrifiant d’une autre humanité. Ce qui se passe au Burundi me touche, ce qui se passe à Tahiti me touche, ce qui se passe en Australie me touche… ». Dans le public, les pronostics vont bon train. Parmi le brouhaha de chuchotements, on devine le nom de quelques films. « Le grand prix du jury est décerné à… Another Country ». C’est un membre de l’association du FIFO qui viendra récupérer le prix, le réalisateur et le producteur ne sont pas présents dans la salle. Les primés et les membres du jury de ce FIFO 2016 se rassemblent sur la scène pour la photo de famille. Une grande famille…
Alex Lee, producteur de Hip Hop-eration
On dit souvent que le prix du public est le plus important pour les réalisateurs et producteurs ?
Oui, tout à fait. C’est d’autant plus important pour nous que nous avons fait ce film pour le public. Nous voulions émouvoir les gens mais aussi reconnecter ces générations qui ne se parlent plus. Je pense que nous avons relevé le challenge. C’est un échange, un partage entre ces vieilles personnes et les spectateurs. Je suis véritablement ému que le public polynésien ait voté pour ce film.
Cela veut-il dire que le message de votre documentaire est universel… ?
C’est exact. Ce film est ouvert au monde. D’ailleurs, quel que soit l’endroit où nous l’avons diffusé, en Europe ou ailleurs, la réaction du public a été la même, elle est universelle. Certainement parce que le message du film est en effet lui-même universel : on y parle d’amour, de respect, de musique, de vie.
Les personnages de ce film sont très touchants, c’est ce qui a séduit le public ?
Certainement. Ces personnes nous montrent que la vie doit être vécue. Ils nous montrent qu’ils ont encore beaucoup de chose à nous apprendre, beaucoup d’histoires à nous raconter avant de nous quitter. Nous les avons oubliés, nous les avons abandonnés, aujourd’hui, nous devons les retrouver, faire plus attention à eux.
Abderrahmane Sissako, président du jury
Le jury a choisi de primer un film dont le message est fort, et moins pour sa forme …
Un film est fait pour nous toucher. Là, nous avons du cinéma d’auteur qui parle avec simplicité de la douleur des hommes. Molly Reynolds, la réalisatrice, a réussi à nous toucher de manière simple. Pourtant, elle a utilisé beaucoup de plan large, ce qui n’est pas facile pour faire passer l’émotion. Mais elle a réussi. Et finalement, on se reconnaît dans son film. Mais le choix entre les films n’a pas été facile. La sélection était très bonne, il était difficile d’être juste. C’est ce qui fait la force d’un festival, d’une édition.
C’est votre premier voyage en Polynésie française. Que retiendrez-vous de votre séjour ?
La beauté humaine et la simplicité des gens. Ici, les personnes dégagent un bonheur de vivre. On se rend compte que la vie est belle, elle n’est pas que souffrance. J’ai vraiment été très heureux d’avoir été sollicité pour venir au FIFO.
Le festival vous a plu ?
Le FIFO est magnifique. Les films présentés sont très forts, très divers dans les thèmes. En tant qu’Africain, je n’avais encore jamais eu l’occasion de venir et voir le cinéma océanien. C’est un réel plaisir. Mais je pense qu’il ne faut pas lui donner une spécificité locale, l’homme doit parler pareil. La force du FIFO, c’est justement l’universalisme.
Lala Rolls, réalisatrice de Tupaia, 3ème prix du jury
Tupaia est originaire de Tahiti. Il était important de recevoir un prix ici ?
Oui complétement. Nous sommes très contents car nous avons fait ce film avec les Tahitiens. Ce prix va aussi nous permettre de réaliser une version longue de Tupaia, un documentaire de 90 mn. Nous avons besoin de temps pour raconter.
Ce film a été co-produit avec une société de Tahiti. Ce prix récompense d’une certaine manière ce lien entre la Nouvelle-Zélande et la Polynésie française…
Oui, et cela est très important. On va continuer de travailler dans ce sens. J’ai d’ailleurs en projet une série sur le diabète qui serait diffusée aux Fidji, à Tahiti et aux Samoa. C’est une série de 60 secondes, avec des jeunes et moins jeunes. Je veux faire quelque chose de facile et de marrant.