[FIFO 2020] La fiction en Polynésie française se développe, mais doit évoluer
Ce jeudi 6 février, sous le chapiteau de la Maison de la Culture, plusieurs acteurs de l’audiovisuel étaient réunis pour parler de la fiction en Polynésie française. Producteurs, réalisateurs, politiques ou encore les différents représentants des dispositifs d’aides ont débattu autour de cette filière. Une filière qui s’est développée mais qui doit désormais évoluer.
20 sociétés de production, 120 techniciens, un million d’euros d’aides et deux chaînes de télévision… Ce sont les chiffres de l’audiovisuel en Polynésie française. Mais quelle est la place de la fiction dans le milieu ? Comment se développe-t-elle ? Comment peut-elle évoluer ? Autour de la table de discussion, des intervenants pour tenter de répondre à ces questions et de poser les jalons de la filière pour l’avenir. Depuis quelques années, la production métropolitaine porte un intérêt certain sur la destination polynésienne. On se souvient de la série Al Dorsey tournée au fenua et diffusée sur France Ô, ou encore de Coup de foudre à Bora Bora. Ces deux fictions ont été produites sur le territoire avec l’aide de producteurs métropolitains. Tout comme Meurtre à Tahiti, récemment diffusée sur France 3. « Aujourd’hui, les risques sont moins importants pour les productions métropolitaines de venir tourner ici car le nombre de techniciens a évolué tout comme leur expérience. Pour la première fois d’ailleurs, un chef opérateur local a travaillé en deuxième caméra sur la fiction Meurtre à Tahiti, explique Hervé Boitelle, producteur, Il faut aussi dire que nous avons des soutiens locaux comme le SCA et des subventions exceptionnelles de Tahiti Tourisme ». Un aspect primordial pour aider localement mais aussi attirer les productions extérieures.
Mettre en place un cadre
Si la situation s’améliore sur le territoire, il reste néanmoins beaucoup de chemin à parcourir. « On a réussi à professionnaliser le secteur. C’est positif car il y a un véritable engouement, intervient Denis Pinson, réalisateur et producteur, Mais il y a encore pleins de choses qui ne vont pas. Il faut notamment mettre en place un cadre juridique ». « Il faut que la Polynésie aille plus loin avec une vraie structure économique et fiscale pour la filière. Il faut aussi développer la formation des auteurs et des acteurs. On a vraiment des talents à Tahiti mais on manque d’encadrement », ajoute Marie-Eve Tefaatau, productrice. Aujourd’hui, il existe un fond d’aide dédié à l’audiovisuel, ce qui a permis de développer la filière, mais il faudrait désormais créer un deuxième fond dédié cette fois uniquement aux créations cinématographiques. Des discussions sont en cours et des députés des Outre-mer se penchent sur la question. Ce jeudi, Stéphane Claireaux, député de Saint-Pierre et Miquelon, était présent autour de la table. Il travaille avec la député polynésienne Maina Sage sur un rapport de la réforme audiovisuelle, qui a été déposé en juillet dernier auprès de la délégation des Outre-mer à l’Assemblée nationale. « Nous avons auditionné beaucoup de personnes et on s’est rendu compte de l’intérêt économique que pouvait représenter la filière. Il y a des territoires outremer plus structurés que d’autres, comme à la Réunion, grâce notamment à la régularité des tournages. Mais l’accès aux aides reste de manière générale difficile. Il y a au CNC un fond Outre-mer mais ce sont souvent les producteurs délégués métropolitains qui en bénéficient. Nous avons aussi un fond au ministère des Outre-mer. Au total, il y a un fond de 8 millions d’euros. Dans le projet de loi, on propose différentes mesures dont un fond international. On a amorcé une machine avec ce rapport, on souhaite continuer pour qu’il se concrétise ».
Un bureau d’accueil ?
Autre problématique mise sur la table, celle d’un bureau d’accueil pour les tournages. S’il existe en Nouvelle-Calédonie ou à la Réunion, ce n’est plus le cas en Polynésie française. Aujourd’hui, les producteurs extérieurs font appel à Tahiti Tourisme, qui tient une liste des spécialistes du milieu, à l‘ATPAC (association polynésienne des techniciens de l’audiovisuel et du cinéma) qui tient un annuaire des techniciens, ou directement avec les sociétés de production. « C’est vrai qu’en Métropole lorsque nous travaillons en région, la première chose qu’on demande est le bureau d’accueil », explique Paul Manate réalisateur du film L’Oiseau de Paradis, qui sera projeté en avant-première samedi 8 février au Grand Théâtre. A Tahiti, un bureau d’accueil est en discussion. « A terme, c’est essentiel mais tant qu’on n’a pas de cadre défins c’est un peu prématuré, estime Denis Pinson, réalisateur. Dans d’autres pays du Pacifique, les aides sont clairement définies. Il faut donc d’abord mettre en priorité un cadre ». Un point sur lequel tout le monde est tombé d’accord lors de cette table ronde, où il a également été question de la suppression de France Ô. Une nouvelle brutale, pour le député Stéphane Claireaux, dommageable pour le producteur Hervé Boitelle mais tout le monde espère que France Télévisions tiendra ses promesses, dont celle d’une plateforme. Seul l’avenir nous le dira…
Suliane Favennec / FIFO 2020