Frère des arbres : une vision du monde
Comme chaque année, le FIFO organise des rencontres entre les réalisateurs, les producteurs et le public. Ce mercredi 7 février, sous le chapiteau de la Maison de la Culture, Marc Dozier est venu parler de son documentaire Frère des arbres, l’appel d’un chef Papou.
« Je suis un fou des peuples ». Marc Dozier, réalisateur, aime partir à la rencontre des peuples du monde. Depuis une quinzaine d’années, l’homme s’est lié d’amitié avec Mundiyua Kepanga. Ce chef de la tribu des Hulis en Papouasie Nouvelle-Guinée parcourt le monde pour porter la voix de la forêt papoue, véritable réservoir de biodiversité et sanctuaire menacé de disparition. « Nous avons vécu beaucoup d’aventures ensemble, Mundiya c’est ma muse », explique Marc Dozier devant l’assemblée du chapiteau de la Maison de la Culture. Après avoir déjà fait un film ensemble, Marc Dozier et Mundiyua ont renouvelé l’expérience pour lancer un message d’alerte sur les dangers qui guettent la nature, et particulièrement les arbres de la Papouasie Nouvelle-Guinée. Le narrateur du film est Mundiya lui-même. « Il est un personnage charismatique, drôle, philosophe et attachant. C’était important qu’il parle de sa vision et que ce ne soit pas nous Occidentaux qui donnions la notre. Mundiya renverse les perspectives et questionne sur un message qui est universel ».
Porter les messages
A travers ce documentaire de 85 minutes qui mélange le conte, l’enquête et le portrait, le spectateur comprend rapidement l’importance de la forêt et des arbres. « Pour les tribus papoues, les arbres sont les frères des hommes, ils sont nos protecteurs. La nature est une propriété individuelle en Papouasie. On ne peut pas en bénéficier de manière collective sans demander l’autorisation aux propriétaires. On ne peut pas regarder, photographier ou toucher une feuille, un arbre, un insecte sans demander l’autorisation à son propriétaire. Une vision bien différente de celle des Occidentaux ». Marc Dozier raconte au public, assis à l’abri de la pluie, une scène émouvante du film : lorsque le chef se tient devant son arbre de sa naissance. En Papouasie Nouvelle-Guinée, l’arbre est comme une photographie de famille, il est le souvenir d’une personne. « Mundiya parle à son arbre, aux animaux et aux autres éléments de la nature », confie le réalisateur qui a été marqué par une séquence en particulier. Cette séquence se passe à Paris dans le musée d’histoire naturelle. Elle n’était pas prévue. Mundiya rencontre les animaux empaillés du musée, alors que les équipes de tournage ont rangé leur caméra et sont prêts à partir, le chef de tribu parle aux animaux. « J’ai tout de suite dit à mon équipe de le filmer. En un quart d’heure, la séquence était bouclée, elle est la plus forte du film. Dans ce moment, Mundiya dit des choses que je serai incapable de dire. J’aime les films qui partagent les messages des autres. Le réalisateur doit se mettre au service de l’autre ».
Montrer la réalité
A travers le point de vue de Mundiya, Frère des arbres, qui a déjà remporté sept prix, dénonce le problème de la déforestation et du business de l’exportation. « Le regard de Mundiya est intéressant car il ne rejette pas la faute uniquement sur les exploitants mais aussi sur les Papous. Son regard est ouvert », raconte Marc Dozier que l’on aperçoit dans le film. Le réalisateur a voulu montrer dans son documentaire les coulisses et le travail de son équipe. « C’était important car lorsqu’on cache la technique, on cache ce qu’on est et, pour moi, le documentaire est là pour interroger la réalité », explique Marc Dozier qui a ainsi soulevé le voile pour permettre aux spectateurs de mieux comprendre. Drone, système de câbles pour filmer au plus près les arbres et donner un côté intimiste… Presque ou tout est montré au public. Il aura fallu pas moins d’un an pour réaliser ce film dont deux mois de tournage. Chaque équipier y a apporté sa touche, son investissement. « Ils ont tous mis leur cœur sur la table. Tout le monde a collaboré au film même Mundiya qui a suivi les étapes après le tournage, un peu comme un réalisateur. Il avait des remarques pertinentes que nous avons prises en compte », explique Marc Dozier qui a d’ailleurs projeté le film chez les Papous. « Les réactions ont été fortes. Non seulement ils comprennent mieux les problématiques mais ils sont aussi très fiers ». Le réalisateur français, qui parle la langue des Papous, ne compte d’ailleurs pas en rester là. Il a déjà plusieurs autres projets de films avec Mundyia. « On prépare trois nouveaux films. On va partir au Japon, au Brésil et en Italie. On manque d’argent mais on a bon espoir. On slalome dans des univers qui s’interrogent sur une vision du monde ». La suite, on l’espère la voir au FIFO !
FIFO / Suliane Favennec