Jaiyah, la voix des athlètes transsexuels
Jaiyah Saelua est fa’afafine, nom pour désigner les transsexuels aux Samoa Américaines. Jaiyah joue au football dans l’équipe nationale des Samoa Américaines. Aujourd’hui, Jaiyah est le premier joueur de football transsexuel à s’être qualifié pour la Coupe du monde. Le parcours de cet attachant personnage est raconté dans une Equipe de rêve, un documentaire sur la « pire équipe de la Coupe du monde ». En 2001, cette équipe d’Océanie s’est fait connaître en subissant la plus large défaite de l’histoire des qualifications à la Coupe du Monde, 31-0, face à l’Australie. Jaiyah n’y était pas mais elle a participé à la première victoire de son équipe lors des qualifications pour la Coupe du monde 2014. Jaiyah est au FIFO pour défendre ce film parmi les dix autres en compétition. Rencontre
En Polynésie française, les fa’afafine sont appelés raerae ou mahu. Le saviez-vous avant de venir ?
Oui. Mais je ne savais pas grand-chose, alors je me suis renseignée sur la question et la situation avant de venir. Aux Samoa, c’est différent. Le transsexuel est connu et respecté. Selon les pays du Pacifique, cela change car le rapport au transsexuel dépend de la manière dont ils ont été colonisés. A Tahiti, les transsexuels sont limités dans les propositions d’emploi. On les cantonne à des boulots d’accueil, de service etc. Aux Samoa, ce n’est pas du tout le cas. Notre culture fait que l’être humain est respecté quels que soient ses goûts ou préférences sexuelles. Moi, je voulais devenir joueur de football, je le suis devenu.
Le football a t-il toujours été une passion ?
Non. Avant 11 ans, j’étais plutôt girly. Lorsque la fédération samoane a décidé de développer le sport, elle a commencé par les écoles, j’ai alors connu le football, et j’ai trouvé ça fun. Puis, mon équipe a gagné la Coupe des Îles, et j’étais reconnue comme le meilleur joueur de l’équipe. Ca m’a motivée, j’ai continué.
Lorsque vous avez intégré l’équipe nationale, les joueurs vous ont-ils rapidement acceptée ou cela a-t-il été difficile ?
Je n’ai pas eu de problème avec eux. Ils ne m’ont pas fait de cadeau au niveau physique, j’ai dû faire mes preuves comme joueur, c’est normal. Je suis dans cette équipe parce que je suis un bon joueur et non parce que je suis un fa’afafine. Pour le reste, ils m’ont toujours considérée comme leur sœur. Le plus difficile finalement pour moi est de ne pas pouvoir faire mon opération. Tant que je jouerai au football en équipe nationale avec les hommes, je ne le ferai pas. Et, comme je ne veux pas jouer avec les filles, les garçons c’est plus compétitif, j’attends !
Dans le documentaire, un entraineur hollandais intègre l’équipe pour la relancer. Quelle a été sa réaction lorsqu’il vous a rencontrée ?
Cela a été très facile avec lui. Il m’a tout de suite respectée et acceptée. Il m’a traitée exactement de la même manière que les autres. Il m’a d’ailleurs dit que les Hollandais étaient les plus ouverts d’Europe. En effet, la plupart des entraineurs précédents n’ont pas réagi de la même manière, certains avaient tendance à me laisser sur la touche. Finalement, il a été le seul à croire en moi.
Au-delà de votre qualité sportive, vous semblez avoir un rôle important dans l’équipe. Vous semblez être le lien entre tous les joueurs…
Dans notre communauté, les fa’afafine ont des rôles de cohésion, d’unité. Nous sommes là pour aider les uns, les autres. Lorsque nous avons recruté des joueurs du Continent et des îles, il y a eu quelques tensions, mon rôle était justement d’apporter une certaine cohésion au groupe. Donc, oui, en quelque sorte, j’ai un peu ce rôle.
Etes-vous fière de ce que vous avez accompli, fière de ce titre de premier joueur transsexuel ?
J’ai eu la chance de pouvoir faire ce que je veux, j’ai donc toujours essayé de le faire du mieux possible. Je ne tentais pas d’accomplir quelque chose, mais simplement de faire ce que j’aime. Je n’ai pas cherché à être la première transsexuelle au monde à aller en qualification de la Coupe du monde, je ne l’ai pas revendiqué. C’est Sepp Blatter, l’ex président de la FIFA, qui m’a donné ce titre. A partir de ce moment-là, j’ai dû en assumer la responsabilité.
Vous êtes donc un exemple aujourd’hui pour les transsexuels?
Oui, je crois. Je suis devenue en quelque sorte la voix des transgenres dans le sport. Aujourd’hui, on me demande d’intervenir dans des conférences et lors de festival aux Etats-Unis, Japon, Australie, Londres, France… J’essaie ainsi de faire mieux comprendre la position des athlètes transsexuels dans le milieu du sport.