Jeff Benhamza : « Nous avons amené Bobby au Fifo »
Pour son premier documentaire, Jeff Benhamza s’est intéressé à Bobby Holcomb, cet artiste complet devenu une référence culturelle en Polynésie française. Pour le FIFO, le réalisateur revient sur ce film qui montre le véritable visage de Bobby.
Qu’est ce qui vous a poussé à faire un film sur Bobby, vingt ans après sa disparition ?
Ici, en Polynésie, nous avons tous du Bobby en nous. Et, j’ai eu le sentiment que c’était important de mettre en lumière des personnes civiles et humbles comme Bobby, qui avait une vraie idée en tête : la défense de la culture et de la langue polynésiennes. C’est la première fois qu’en Polynésie française, un homme arrive à bouger les lignes grâce à sa peinture et à ses chansons. C’est en cela que ce personnage est captivant. Et puis, l’autre raison est que nous avons voulu profiter des 20 ans de sa disparition pour avoir d’autres images que celles des archives. Ainsi, nous avons eu accès à des évènements, des concerts et des expositions en hommage à Bobby. Sans cela, il aurait été impossible de faire le film, les images d’archives ne suffisaient pas. Aujourd’hui, ce dont je suis le plus fier, c’est d’avoir emmené Bobby au FIFO car je sais qu’il aurait adoré ce festival.
Dans votre documentaire, vous montrez Bobby sous plusieurs facettes. Finalement, le public semble découvrir qui il était réellement…
Oui, tout à fait. Avec la projection du film, je me suis en effet rendu compte que les gens ne connaissaient pas vraiment Bobby. Certes, ils connaissaient le chanteur mais pas le peintre et encore moins l’homme engagé. Peu de personnes, moi compris d’ailleurs, était au courant par exemple qu’il s’était mis en danger en réalisant des toiles dénonçant la bombe nucléaire. A l’époque, ce n’était pas rien, surtout lorsque l’on sait que Bobby était Américain, il pouvait donc être mis dehors à tout moment. Bobby avait plutôt une image d’homme un peu farfelu, avec son short rose au bord de la plage, mais derrière l’image il y avait en réalité un homme de combat. Bobby, c’était un être profond. En réalisant ce film, j’ai également compris que Bobby écoutait son cœur et, ce, même si la voix qu’il choisissait était la plus difficile. C’était son mode de fonctionnement.
Comment s’est déroulée la réalisation du documentaire ?
C’est mon premier documentaire, on a mis deux ans pour le tourner. C’est long, très long ! Mais le plus compliqué a finalement été le montage. J’ai pris le parti de ne pas mettre de voix off. Je n’ai jamais rencontré physiquement Bobbby, ce n’était donc pas à moi d’en parler, j’ai préféré laisser les gens qui le connaissaient parler de lui. C’est aussi ce qui rend le documantaire plus touchant et émouvant. Nous avons également décidé de laisser le tutoiement, cela confère un côté intimiste au film. Ce que j’attends surtout de ce film est une prise de conscience. A Huahine, Bobby est un héros, pourtant sa tombe et sa maison sont à l’abandon. Peut-être faudrait-il créer un musée Bobby ? Il y a de la matière : des lithographies, de la musique et maintenant un documentaire. Pour les Polynésiens, c’est une manière de dire à Bobby que nous ne l’oublions pas, et je crois qu’il le mérite. Si ce documentaire peut apporter cela alors je ne serai pas venu pour rien au FIFO !
Suliane Favennec