Joey and the Leitis : lutter contre les discriminations
Ce jeudi 8 février, sous le chapiteau de la Maison de la Culture, les réalisateurs et le protagoniste du documentaire Joey and the Leitis ont discuté, échangé, partagé leur expérience avec le public du FIFO. Rencontre.
Une lutte contre la discrimination et l’évangélisation. Joey and the Leitis raconte le combat de Joey pour que les Leitis, les transgenres tongiens, puissent retrouver une place dans la société. « En tant que réalisateur, on aime dépasser l’histoire et aider les personnes afin que leur cause soit entendue, explique Joe Wilson, co-réalisateur. Lorsqu’on commence à faire un projet sur quelqu’un, on le fait avec. C’est leur voix qu’on veut entendre pas la nôtre. Nous sommes là pour soutenir et donner un outil ». Les festivaliers sont venus en nombre pour assister à cette rencontre I Raro I Te Tumu Ora. Tous veulent en savoir plus sur le combat de Joey.
Une vie de lutte
Pour comprendre, il faut remonter le temps. Jeune, Joey se sent différent des autres. Il aime être habillé en fille depuis son enfance. A l’école, il est victime de moqueries et d’insultes de la part de ses camarades. À 14 ans, il décide donc de quitter l’école. Les choses s’accélèrent alors. « J’ai été violé par un homme qui travaillait pour mon père, confie Joey, encore bouleversé, Je n’en pouvais plus. J’ai donc décidé de lutter contre les discriminations et de changer la situation des transgenres ». Joey trouve un premier emploi dans hôtel, il est efficace et est une femme de ménage recherchée dans les hôtels. « À partir de là ma vie a changé ». Joey aime ce qu’elle est. Elle se met donc à former un groupe de transgenres à Tonga. Île polynésienne du Pacifique Sud, Tonga est très religieuse et très traditionnelle. Se vêtir en femme alors qu’on est un homme est interdit par la loi. Acceptés par la tradition mais combattus par des évangélistes, les transgenres ont la vie dure sur l’île. Joey, de noble origine, mène la lutte et organise un concours de beauté spécifique aux transgenres, Miss Galaxy, et s’occupe des Leitis rejetés. « Au début, on voulait faire un court-métrage sur ce concours mais lorsque nous avons rencontré Joey, nous avons voulu aller plus loin. Il y avait une histoire à raconter. », explique Dean Hamer, co-réalisateur et compagnon de son équipier, Joe Wilson. Les deux hommes sont à l’origine de l’excellent documentaire Kumu Hina, multi-primé dont le prix du public du FIFO 2015. Kumu Hina est un Mahu hawaïen et professeur qui défend l’image traditionnelle de mahu incarnant à la fois l’esprit masculin et féminin. C’est elle qui a contacté Joey lorsque les deux réalisateurs ont eu l’idée de faire un documentaire sur les Leitis de Tonga. « Elle m’a bien informée de qui étaient les réalisateurs. A cette époque, je voulais communiquer sur notre situation et faire entendre notre voix. La suite est donc allée très vite », raconte Joey qui sera donc suivi par les réalisateurs durant un an dans son combat et ses rencontres avec les évangélistes et les politiques de l’île.
Raconter son histoire sans fard
Renforcée par ses années de combat, Joey décide de mettre en place le talanoa, terme tongien qui signifie « raconter son histoire sans rien cacher ». « Cela a plus d’impact de parler sincèrement de la situation et de montrer plutôt que de défiler avec des banderoles. Si tu ne fais pas les choses avec amour, cela ne fonctionne pas », souligne Joey qui a donc préféré s’asseoir à la table avec ses « opposants ». « Ils sont ainsi plus ouverts vers l’échange que lorsqu’on manifeste dans la rue ». Toutes ces rencontres sont relatées dans le documentaire, Joey espère ainsi que cela permettra de faire changer la loi tongienne. En attendant, le combat et la situation de Joey interpellent le public. Parmi les festivaliers, certains l’interrogent sur la prochaine projection du film au Tonga. « Je ne crains rien. Même si les réactions sont négatives, cela me donnera encore plus de courage. Je suis ce que je suis », explique Joey. D’autres festivaliers ont des questions plus personnelles. « Êtes-vous en couple dans la vie ? », ose l’un d’entre eux. « Je cherche quelqu’un ici en Polynésie qui m’accepterait avec mes trois enfants », répond Joey. Une réponse qui provoque un rire général de l’assemblée. « J’ai été engagée avec un homme hétérosexuel durant sept ans. Mais, il a fini par céder sous la pression de sa famille et a finalement pris le chemin classique et s’est marié avec une femme. Je suis donc célibataire maintenant mais je préfère être seule avec mes enfants car j’aurai moins de rides ». L’humour et l’authenticité de Joey ont conquis les spectateurs, nombreux à avoir été touchés par son histoire. Un film qui risque bien de faire parler de lui pour un moment…
FIFO / Suliane Favennec