L’AVENEMENT DE L’ADMINISTRATION ELECTRONIQUE
Le quatrième et dernier débat des Rencontres Numériques du FIFO a abordé hier la thématique des nouvelles relations induites entre grand public et administration avec l’avènement du numérique.
Philippe Machenaud, Secrétaire général du gouvernement, Patricia Lichon, Directrice de cabinet du Ministre du développement des archipels Louis Frébault, Eric Spitz, Secrétaire général du Haut Commissariat, Tearii Alpha, Ministre des affaires foncières, de l’aménagement, de l’habitat et de l’équipement, en charge de l’urbanisme, Eugène Sanford, Chef du service informatique, Marc Debene, Professeur à l’UPF, Irmine Tehei et Christophe Psychogios, respectivement Trésorière et Vice-président de l’association de défense des consommateurs Te Tia Ara, Marcel Desvergne, animateur du débat et Michel Paoletti, Président des Rencontres Numériques, étaient réunis autour de la table pour faire un état des lieux de la situation en Polynésie française et discuter des moyens de faciliter les démarches des usagers, notamment les plus isolés.
« L’administration électronique n’est pas une lubie ni une mode mais un impératif, notamment économique, a commencé par assuré Eric Spitz. Dans une situation budgétaire tendue, l’administration doit travailler de plus en plus efficacement et forcément, quand on met un certain nombre de mesures en place et que l’administration électronique progresse, on fait des économies, de papier, de temps… Tout simplement parce que l’administration doit améliorer ses services, dans un contexte de mondialisation, de nouvelles exigences budgétaires et de renforcement des attentes des clients, elle n’a pas le choix ». « L’administration en métropole, a-t-il poursuivi, a réalisé un certain nombre d’enquêtes auprès des usagers, à partir de points forts de notre vie à tous et a repéré quelques-uns des moments douloureux où, finalement, l’administration et la multiplication des démarches administratives ajoutent à cette douleur (deuil, divorce…). Un site Internet s’est ouvert et permet à chaque usager de résoudre un certain nombre de démarches, sans avoir à se déplacer ». Si aujourd’hui la Polynésie française n’en est pas encore au niveau de la métropole, il existe néanmoins un certain nombre de procédures désormais accessibles électroniquement aux usagers du service public. Mais pour garantir la réussite de l’introduction de l’administration électronique, Eric Spitz a posé trois conditions essentielles. D’abord, il faut qu’il y ait une vision et une volonté politique fortes. Ensuite, l’administration électronique n’étant pas une fin en soi, elle ne peut être une démarche isolée – elle doit être intégrée dans un cadre beaucoup plus large, notamment dans celui des objectifs fixés en matière de gestion publique. Enfin, il faut se mettre à la place de l’usager et avoir un certain nombre d’outils de suivi et d’évaluation de la démarche. « Car on ne peut pas se contenter d’autosatisfaction ».
Teari Alpha a confirmé sa volonté politique d’accélérer la mise en place d’une administration : « La Polynésie va et doit participer à cette évolution numérique et a évidemment envie de participer à toute cette avancée technologique. L’administration a besoin de se rénover, de se restructurer et d’être plus proche de ses usagers ». Quand Michel Paoletti a insisté sur le sujet des affaires foncières, qui constitue une problématique importante dans le Pays pour bon nombre de citoyens, le Ministre a poursuivi « 200 000 documents sont produits annuellement par la Direction des Affaires Foncières. Le numérique pourrait nous permettre de rapprocher cette base de données des communes. Nous sommes en discussion avec l’OPT pour pouvoir créer des réseaux spécifiques de travail, des environnements de travail numériques, pour les communes et l’administration notamment. Il faut bien sûr lever quelques contraintes juridiques, au niveau de la confidentialité de certains¬ accès, mais je pense que la volonté¬ politique du Pays aujourd’hui est de pouvoir réaliser ce type de recherches et qu’elles seront très bien accueillies par les usagers. […] Il y a notamment un outil que l’on doit à tout prix réaliser, c’est le système d’information géographique, que l’on doit pouvoir mettre en commun et partager avec les entreprises, les privés et les usagers. Il y a trois niveaux d’utilisation : l’usager dans sa commune, loin de Tahiti, à qui l’on doit éviter la présence dans les bureaux à Papeete pour obtenir une information ; les constructeurs, entreprises et bureaux d’études, avec qui l’on doit travailler plus facilement par connexion numérique ; et les décideurs politiques ».
À cette évocation des îliens, ayant accès très difficilement à l’information, la notion de fracture numérique a été évoquée par Marc Debene. « Cette fracture peut-être territoriale mais aussi sociale. Et à côté du principe d’égalité, il y a aussi celui de continuité : il est nécessaire que le service public fonctionne de façon continue, a-t-il précisé, or à l’heure actuelle, en visitant les sites du service public, j’ai remarqué que beaucoup de sites étaient en maintenance, ce qui n’est pas vraiment compatible avec le principe de continuité ». Christophe Psychogios a pour sa part rappelé que « le problème de l’accès des usagers à ces nouveaux outils va être problématique, d’abord en terme de contenu (problème de visibilité de l’information), mais aussi en terme d’accessibilité, d’acquisition des moyens et d’utilisation des produits, qui ne parlent pas beaucoup à ces usagers pour qui l’oral est surtout pratiqué. […] 65% des foyers ont un ordinateur, ça laisse donc 35% de ménages pour lesquels l’ordinateur est un domaine inconnu. La principale demande des citoyens des îles concerne tout ce qui touche au foncier et je souhaite insister sur le fait que dès qu’il y a une démarche à faire, c’est un véritable parcours du combattant. Je voudrais pointer du doigt le service de l’Etat civil. Il semblerait que le précédent procureur a fermé l’accès au bureau d’état civil du tribunal et a renvoyé les usagers pour établir leur généalogie et trouver les actes dans chaque commune du territoire. Ce n’est pas faciliter les tâches des usagers dans leur action pour faire valoir leurs droits en matière foncière. Ne peut-on pas pour y remédier avoir un guichet numérique unique où les citoyens disposeraient de toutes les informations foncières et de l’état civil. Il faut vraiment faire un effort ».
Eric Spitz a appuyé le fait que la situation n’était pas du tout satisfaisante, en précisant « Il nous reste beaucoup de travail à fournir pour arriver, comme nous le souhaitons, à travailler avec toutes les instances administratives qui rythment la vie des polynésiens ». Dans le public, Karl Reguron a rebondi sur l’idée de guichet numérique en proposant que des bornes gratuites d’accès à Internet soient mises à disposition des usagers dans les offices OPT, « au moins pour leur permettre de consulter les sites du territoire, pour aller chercher de l’information ». « L’objectif que nous nous sommes donné au niveau des matières foncières, a précisé Tearii Alpha, c’est de délocaliser les compétences des mandataires, par qui les familles passent souvent pour ces problèmes de terre, au niveau de la commune ».
« La mise en place de l’e-administration est en cours mais pas encore aboutie. Elle doit encore évoluer », a constaté, confiant, Philippe Machenaud. Michel Paoletti a quant à lui conclu en faisant part de sa frustration de ne pas avoir obtenu de dates prévisionnelles sur le « quand les communes seront-elles prêtes à aider les usagers des différentes municipalités ? ».