[n°10] Les autres Tamari’i Volontaires
La mémoire collective ne retient principalement que l’épopée du bataillon du Pacifique et ses faits d’armes. Elle occulte souvent ces autres Tamari’i Volontaires qui ont été engagés dans les autres armes et unités que comptent la France libre et les forces alliées : marins, aviateurs, parachutistes et commandos.
Les marins
Le 16 janvier 1941, 75 marins de la base aéronavale de Fare Ute ralliés à Jean Gilbert quittent Tahiti pour la Nouvelle-Zélande : 5 Tahitiens font partie de ce premier contingent.
3 quartiers maitres font partie de la relève du sous-marins Surcouf qui disparait en mer des Caraïbes.
Le 31 mars 1941, un second contingent issu de la marine et renforcé de volontaires pour l’armée de l’air quitte Tahiti. Il compte 12 métropolitains et 12 Tahitiens de la base aéronavale et 22 volontaires pour les ailes dont 20 Tahitiens.
Entre 1940 et 1943, 260 volontaires tahitiens s’engagent dans les Forces navales françaises libres. Trois bâtiments à croix de Lorraine marquent en particulier l’histoire des marins tahitiens : le Triomphant, le Chevreuil et le Cap des Palmes. Les volontaires tahitiens profitent des escales de ces bâtiments à Papeete pour embarquer. D’autres embarqueront sur le Léopard, le Commandant Drogou et le Savorgnan de Brazza.
Le contre-torpilleur Triomphant va séjourner deux ans dans le Pacifique principalement affecté à des missions d’escorte. En décembre 1943, en gagnant la Méditerranée, pris dans un cyclone, le Triomphant manque de sombrer. Il est acheminé à Boston aux Etats-Unis pour être démonté et fondu.
L’aviso dragueur Le Chevreuil sous le commandement du lieutenant de vaisseau Fourlinie opère de septembre 1940 à août 1943 dans le Pacifique avant de gagner Long Beach pour être réarmé. Il gagne ensuite l’Atlantique pour être affecté à l’escorte des convois contre les sous-marins allemands.
Maxime Aubry, engagé sur le Chevreuil et âgé aujourd’hui de 102 ans est avec Mathew Turner Chapman et Star Teriitahi le dernier de ces marins de la France libre.
Le Cap des Palmes est un ancien cargo bananier. Lors de son escale à Tahiti en octobre 1941, 40 volontaires tahitiens en profitent pour s’engager et embarquer. Le Cap des Palmes sera chargé de diverses missions de transport dans le Pacifique avant de gagner sous commandement américain le théâtre d’opérations du Pacifique et notamment Guadalcanal pour la protection des sous-marins en surface.
Les aviateurs
Les volontaires tahitiens pour l’armée de l’air partis avec les marins le 31 mars 1941 stationnent au camp de Papakura en Nouvelle-Zélande. Ils sont ensuite acheminés en Angleterre via le Canada et l’Islande à l’exception de 5 d’entre eux qui sont dirigés à leur demande sur l’Australie pour embarquer avec le bataillon du pacifique pour le Moyen Orient.
Les Tamari’i manureva en station à Camberlay reçoivent pendant 5 mois des cours d’anglais et de radionavigation puis sont formés à la fonction de radio-mitrailleurs.
Les radio-mitrailleurs tahitiens vont payer un très lourd tribut :
Les deux radio-mitrailleurs tahitiens Eugène Aubry et Ernest Gournac périssent en entraînement dans le crash de leur aéronef.
Leurs frères d’armes tahitiens seront principalement versés dans le Groupe de bombardement lourd Lorraine à l’exception de Félix Lagarde et de Guy Juventin qui voleront respectivement dans les escadrilles de chasse Ile de France et Berry.
Julien Allain succombe à ses blessures dans le crash de son Boston. Le Boston de Tavi Kainuku touché par la Flak explose en vol. Rémond Bodin, René Machecourt, Peter Royces Challier et Natapu Mara sont grièvement blessés.
Félix Lagarde dit Lico est surnommé le diable des mers du sud après avoir échappé en novembre 1944 au crash de son spitfire victime d’une défaillance technique puis abattu en février 1945 par la DCA allemande. Il réussit un atterrissage de fortune. Sérieusement blessé, des paysans hollandais lui apportent les premiers soins.
Guy Juventin du Groupe Berry effectuera plus de 50 missions de guerre. Le Squadron 345 Berry a repris les traditions de la glorieuse SPA 103 du capitaine Fonck, la cigogne d’argent aux ailes repliées. Seuls 53 pilotes ont le droit de la porter. Son insigne cigogne porte au dos son nom et le numéro 30.
Joseph Pommier formé par les Américains est affecté à l’escadrille 6F dont les Catalina sont chargés de patrouilles en Méditerranée.
Francis Gasse, le fils de Jane Drollet la célèbre standardiste du bombardement de la ville de Papeete du 22 septembre 1914 effectuera plus d’une trentaine de missions de guerre sur Potez 63-11.
Les parachutistes
Ils étaient 10, 3 des Iles sous-le-Vent, 2 des Marquises et 5 de Tahiti.
Ils s’engagent en 1943 dans le 1er bataillon d’infanterie de l’air, corps des free french squadron des special air services anglais (SAS).
Les dix volontaires tahitiens ont gagné l’île de Makatea puis Auckland et Glasgow.
Dirigés sur Ringway à la parachute training school, ils effectuent leurs sauts réglementaires et sont brevetés parachutistes.
Dans la nuit du 10 juin 1944, les SAS tahitiens sont parachutés en Bretagne près du bourg de Saint-Marcel où la résistance du Morbihan a installé un véritable camp retranché.
Ce rassemblement de quelques milliers de combattants patriotes et de SAS conduit le 18 juin 1944 à une offensive lourde des allemands.
Les SAS tahitiens sont en première ligne. Albert Colombani est blessé. Malgré sa blessure, il quitte rapidement l’infirmerie de campagne et retourne au combat.
En début de soirée, les SAS reçoivent ordre de repli. Fateata Manarii sérieusement blessé ne peut décrocher. Caché pendant trois semaines par une famille bretonne, il échappe à la traque des Allemands.
Lors du décrochage, les Tahitiens Pita Tihoni et Mahahe Orairai tombent dans une embuscade et sont faits prisonniers comme Tehaamoana, Tetuaea, Paaheo, Etienne Colombani, Kiipuhia et Teai.
Ils n’échapperont pas pour certains aux traitements brutaux réservés aux SAS capturés. Ainsi, Tehaamoana a les ongles des doigts de la main arrachés avant de connaître le stalag. En juillet 1944, les captifs sont tous transférés en Allemagne à l’exception de Ernest Tetuaea Constantin qui s’évade et gagne un maquis près de Royan.
Fin août 1944, Albert Colombani mène dans la Loire des opérations motorisées de reconnaissance et de harcèlement des convois allemands qui fuient l’avance alliée depuis le débarquement de Provence.
En décembre 1944, face à la contre-attaque allemande dans les Ardennes belges, les deux frères d’armes tahitiens Albert Colombani et Manaraii Fateata sont à nouveau réunis.
Puis dans la nuit du 7 au 8 avril 1945, les deux Tahitiens sont parachutés en Hollande avec sept cent autres SAS dans le cadre de l’opération Amherst.
La 82e division aéroportée américaine comptera dans ses rangs Yves Brault.
Les commandos
Léon Garet dit Bonhomme né à Makatea engagé d’abord dans les rangs du Bataillon du Pacifique rejoint les Commandos d’Afrique pour échapper à des sanctions disciplinaires. Il participe au débarquement de l’île d’Elbe et de Provence totalisant 3 citations.
André Teriimana Chaze dit Koko âgé de 16 ans évadé de France par l’Espagne s’engage dans les Commandos de Choc. Il débarque à Saint Tropez et participe aux combats de la libération jusqu’en Allemagne. Il est titulaire de 2 citations.
La 2e Division blindée.
Le 1er août 1944, la 2e division blindée du général Leclerc débarque à Utah Beach.
Dans leurs rangs, se trouvent les deux frères Tracqui partis de Tahiti pour rejoindre la France libre mais aussi de futurs Tahitiens d’adoption dont Michel Villar, A. Sylvain, René Devendeville et Francis Boissin dit Ramière.
Biographie : Maxime Aubry
François Maximin dit Maxime Aubry, fils de Fanomaimua Aubry, Tavana de Faa’a et de Rose Sen Chio Cheong Chumbo, est né le 29 mai 1917. Il est aujourd’hui âgé de 103 ans.
A l’âge de 14 ans, il est forgeron aux travaux publics avant d’effectuer son service militaire d’avril 1938 à décembre 1938 dans la Compagnie autonome d’infanterie coloniale (CAICT) puis il est mobilisé le 2 septembre 1939.
Maxime Aubry accroupi à gauche, lors du départ en mars 1941 de son frère Eugène Aubry, debout à droite engagé dans l’Armée de l’air. Le 22 mai 1942, Eugène Aubry périt à l’entraînement dans le crash de son appareil.
Maxime s’engage le 11 octobre 1941 dans les Forces navales françaises libres (FNFL) pour être embarqué le 7 juin 1942 sur l’aviso dragueur Le Chevreuil comme fusilier marin qui est à quai à Papeete. Maxime Aubry sera aussi le biniou puis l’armurier du bord. Maxime a notamment fait partie de la fanfare de l’Ecole des Frères à la mission catholique.
Maxime Aubry va participer à l’ensemble des opérations de guerre de l’aviso dragueur.
Le Chevreuil est d’abord affecté dans le Pacifique avant de gagner l’arsenal de Long Beach pour carénage et modernisation du bâtiment puis l’Atlantique pour l’escorte des convois alliés face aux sous-marins allemands.
Maxime est nommé quartier maître de 2e classe le 1er avril 1944. Il est reconnu comme être le Papa des jeunes marins tahitiens de la France libre embarqués sur le Chevreuil, autoritaire et en même temps protecteur de ses frères d’armes.
Après l’Atlantique, le Chevreuil rejoint la côte africaine.
Maxime Aubry, grand sportif est le capitaine de l’équipe de football renommée du Chevreuil. Maxime est un membre fondateur de l’association sportive Tefana puis de Fei pi. Lors d’une rencontre contre l’équipe de la frégate britannique WYE, Maxime marque le but de la victoire face à un goal qui mesurait deux mètres provoquant la liesse de l’équipage du Chevreuil.
Le 12 mai 1945, les marins tahitiens du Chevreuil sont débarqués à Toulon.
Maxime gagne le dépôt de Cherbourg le 21 septembre 1945 où il stationne jusqu’au 14 avril 1946 pour être embarqué sur le Sagittaire avec les autres volontaires tahitiens retournant sur Tahiti. Il est renvoyé dans ses foyers le 23 mai 1946 après cinq années de services.
Après guerre, Maxime entre comme forgeron et contremaitre à l’atelier mécanique de M. Henri Lambert. Le 1er décembre 1961, Maxime exerce comme Surveillant principal des Services Extérieurs de l’administration pénitentiaire de Tahiti- Faa’a, fonction qu’il occupera jusqu’en 1978.
Maxime Aubry est titulaire de la Légion d’honneur, la Médaille militaire, la Croix de Guerre, la Médaille commémorative française de la guerre 1939-1945 avec barrette engagé volontaire, la Médaille des services volontaires dans la France libre avec agrafe 1939-1945, la Médaille du titre de la reconnaissance de la Nation avec agrafe 1939-1945, la Croix du combattant, la Croix du combattant volontaire de la Résistance avec barrette 1939-1945 et la Croix du combattant volontaire avec barrette 1939-1945.