[n°6] Le Comité de la France libre
Le 27 août 1940, sous l’impulsion du Groupe de Mamao, le Comité de la France libre est créé.
Ses membres fondateurs sont :
- Édouard Ahnne, ancien directeur des Ecoles protestantes et membre du conseil privé ;
- Georges Bambridge, commerçant, maire de Papeete et président des délégations économiques et financières ;
- Tony Bambridge, membre de la chambre de commerce, ancien combattant de la grande Guerre ;
- Max Bopp du Pont, photographe. Il est le fils du peintre de même nom, venu à Tahiti pour dresser à la demande du Gouverneur Rey une grande toile destinée à l’exposition universelle : la vallée de la Fautaua;
- Jean Brunet, chef du service d’administration générale et des finances, membre fonctionnaire du conseil privé ;
- Robert Charron, président de la ligue des droits de l’homme. Robert Charron est né le 13 avril 1897 au Havre. Il s’installe à Tahiti comme importateur. Il sera le président de la Ligue de la France libre de février 1942 à fin décembre 1948. Il est Conseiller privé de 1942 à 1949 ;
- Tetuahitiaa Colombel, fonctionnaire du cadre local ;
- Émile de Curton, Médecin du corps de santé colonial. Médecin administrateur de l’archipel des îles sous le vent et membre des délégations économiques et financières ;
- Étienne Davio, artisan ;
- Robert Delage, Chef du service de l’enseignement ;
- Marcel Frogier, commerçant et conseiller municipal ;
- Jean Gilbert, Directeur des établissements Martin ;
- Jacques Gilbert, docteur en médecine ;
- Elie Juventin, conseiller municipal, ancien combattant de la Grande guerre. Il fut typographe à l’imprimerie Juventin et Conseiller municipal de 1935 à 1947;
- Georges Lagarde, ancien fonctionnaire des douanes et membre du conseil privé ;
- Henri Lemonnier, administrateur des colonies et chef du service des affaires économiques ;
- Maraetefau, vice-président de la chambre d’agriculture et membre des délégations économiques et financières ;
- Émile Martin, fondateur des établissements Martin, membre du conseil privé
- Yves Martin, directeur des établissements Martin ;
- Teriitauairohotu Mataitai, chef du district d’Afareaitu et représentant des chefs aux délégations économiques et financières. Il est né le 12 mars 1869 à Afareaitu. Il est nommé chef de district le 10 avril 1895, fonction qu’il va occuper près d’un demi-siècle ;
- François Ménard, mécanicien ;
- Philibert Montaron, comptable, ancien combattant de la Grande Guerre
- Alfred Poroi, employé et conseiller municipal. Il est né le 3 mars 1906 à Mataiea ;
- Pouvanaa a O’opa, menuisier, ancien combattant ;
- Serge Rabinovitch, président de la chambre d’agriculture ;
- Jacques Ravet, chef du service météorologique ;
- Marcel Senac, chef de la circonscription des Tuamotu- Gambiers et membre des délégations économiques et financières ;
- Georges Spitz, commerçant (Curios) ;
- Teriierooiterai, chef de Papenoo et représentant des Chefs de Tahiti aux des délégations économiques et financières ;
- Terii a Tepa, conseiller municipal ;
- Isaac Walker, de nationalité anglaise et ancien combattant de la Grande Guerre ;
- Tehema Winchester, chef du district de Katiu et représentant des chefs des Tuamotu aux délégations économiques et financières ;
Le programme d’actions du comité de la France libre dénonce l’inertie du Gouverneur Chastenet de Gery qui après avoir annoncé par un avis à la population du 25 juin 19440 la poursuite de la lutte s’est rangé aux instructions du gouvernement de Vichy. Le gouverneur Chastenet de Gery laisse agir par ailleurs une propagande active du Comité des Français d’Océanie favorable à la révolution nationale du Maréchal Pétain.
Le programme d’actions du Comité de la France libre porte la reconnaissance officielle du gouvernement du général de Gaulle afin qu’il désigne un nouveau gouverneur, l’abrogation de tous les actes pris par le gouvernement de Vichy et publiés au journal officiel des Établissements français d’Océanie, une rupture officielle avec le gouvernement de Vichy et la réinstauration de la République française.
Des mesures de sûreté comprendront la surveillance des ressortissants allemands et italiens que le gouverneur a fait libérer lors de l’armistice. Des relations diplomatiques seront réinstaurées avec la Grande Bretagne et le consulat anglais ré-ouvert.
Enfin, le redressement économique de la colonie passera par la reprise des relations économiques avec la Nouvelle Zélande et l’Australie.
Un gentleman agreement avait été cependant trouvé via le Consul d’Angleterre Edmonds entre le gouverneur Chastenet de Gery et les ministres néo-zélandais et australien pour que leurs bâtiments poursuivent leurs escales dans le port de Papeete afin de ravitailler la colonie.
Lors du plébiscite autorisé par le gouverneur Chastenet de Gery, le 2 septembre 1940, 5564 voix se prononcent pour le Comité de la France libre contre 18 suffrages pour une allégeance au Maréchal Philippe Pétain.
Le ralliement des Etablissements français d’Océanie à la France libre est désormais en marche.
Biographie : Tony Bambridge
Anthony Pierre Tetuanui Pootahi Bambridge dit Tony fils de John Maeha’a Bambridge et de Mary Ann Tapscott est né à Papeete le 1er août 1895. Il est scolarisé à l’Ecole des Frères avant de devenir coiffeur chez Marcelin Sage puis tonnelier chez son frère Georges Bambridge.
Il participe à la Première Guerre mondiale dans les rangs du Bataillon mixte du Pacifique. Il est blessé en octobre 1918 par une balle de mitrailleuse qu’il reçoit au mollet droit et cité : Caporal dévoué s’est distingué au cours de l’attaque du 7 octobre 1918. A reçu de multiples blessures. La citation lui confère la Croix de guerre avec une Étoile d’argent.
Tony Bambridge ouvre à son retour de la Grande guerre le salon de thé Au Chemin des Dames situé en face du Cinéma Casino de Tahiti pour la dégustation de boissons fraîches et surtout l’ice-cream soda préparé à l’électricité.
Après le salon de thé Au chemin des dames, Tony Bambridge ouvre deux commerces : Tony’s Cabaret et Tony’s Liquor and Perfume Parlor avant de se lancer en 1922 dans l’exploitation cinématographique (SATEC).
Il devient notamment le gérant du Cinéma Moderne. Le cinéma en tahitien se dit Fare Tony et traduit son engouement à développer des salles de cinéma dans les districts et dans les îles à Moorea, à Uturoa, à Bora-Borae et à Makatea.
Les salles de cinéma sont toutes peintes en bleu.
Il y projette des films muets deux fois par semaine, même le dimanche ce qui lui attire les foudres des confessions religieuses. Et puis, c’est la rencontre avec les studios de cinéma.
En 1927, il est engagé comme assistant pour le tournage du film Ombres Blanches. La Metro Goldwyn Meyer lui offre, en partant, une partie du matériel. Il accepte ce don mais refuse l’offre de rejoindre Hollywood pour y travailler.
L’année suivante, Murnau et Flaherty débarquent à Tahiti pour tourner Tabou. Tony sera le régisseur de la production. La Paramount lui laissera le matériel cinématographique. Il collabore aussi à la réalisation de la première version des Révoltés de la Bounty.
En 1949, il achète le Cinéma Bambou aux frères Hollande.
L’homme est serviable et généreux. On lui doit notamment la léproserie d’Orafara.
Au début des années 1930, Tony Bambridge découvre le village de ségrégation d’Orofara. Il y est venu pour une projection cinématographique à la demande de l’épouse du consul américain. Au fil du temps, il devient Papa Tony, celui qui répond toujours présent pour régler les disputes, distribuer des cadeaux à Noël, intervenir auprès des autorités pour obtenir les fonds nécessaires pour cimenter l’allée centrale du village et surtout offrir chaque semaine aux malades une projection de cinéma, un moment pour oublier les souffrances de la maladie. Ce sera l’œuvre la plus chère à son cœur, un combat qu’il mènera pendant plus de trente ans.
Tony Bambridge sera un des artisans du ralliement des Établissements français d’Océanie à la France libre, membre fondateur du Comité de la France libre créé le 27 août 1941. Il sera condamné à mort par contumace par le gouvernement de Vichy.
En 1945, la société Maxwell fait faillite, Tony se porte acquéreur de l’immeuble du front de mer, le futur Fare Tony où il y installera ses bureaux, ainsi qu’un commerce d’importation.
Tony Bambridge décède le 28 juillet 1964 à Los Angeles.
Biographie : Edouard Ahnne
Édouard Ahnne est né le 1er décembre 1867 à Voujeaucourt dans le Doubs.
Il arrive à Tahiti le 26 août 1892 comme missionnaire de la Société des Missions évangéliques de Paris et comme adjoint de M. Charles Vienot, directeur des Écoles protestantes de Papeete. En 1903, il devient le directeur de l’École protestante des garçons avant de prendre sa retraite en 1935.
Le missionnaire Edouard Ahnne est aussi un historien passionné par la civilisation polynésienne dont il maîtrise parfaitement la langue. Il est notamment le conservateur du Musée de Papeete ainsi que membre de la Société des Études océaniennes dont il devient le président en 1923 pour assumer sept années successives de mandat. On lui doit notamment avec son beau frère Orsmond Walker la sauvegarde et la publication de Tahiti aux temps anciens de Teuira Henry conservé au Bishop Museum d’Honolulu.
L’homme public entre au conseil privé en 1933. Orateur brillant, il sera un artisan du ralliement des Établissements française d’Océanie à la France libre par sa naissance et son patriotisme alsacien en obtenant du gouverneur Chastenet de Gery l’organisation d’un plébiscite. Tahiti rallié, il entre au gouvernement provisoire des EFO et est condamné à mort par Vichy. Il est fait compagnon de la libération par le Général de Gaulle le 28 mai 1943.
Dans une lettre du 7 octobre 1970 à l’adresse de M. François Broche, auteur du livre culte sur le Bataillon des guitaristes, Emmeline Ahnne fille d’Édouard Ahnne et témoin privilégiée du ralliement des Établissements français d’Océanie à la France libre le décrit : Homme parfaitement intègre s’étant toute sa vie dévoué à Tahiti où il était le seul à avoir l’autorité et l’influence nécessaire. Les tahitiens, dont beaucoup étaient ses amis ou ses anciens élèves l’aimaient et le respectaient et les Européens l’estimaient. Sans rien vouloir ôter au geste de MM. Gilbert, De Curton et Sénac…ils n’étaient pas connus des indigènes et avaient contre eux beaucoup de leurs collègues.
Édouard Ahnne décède le 7 avril 1945 et est inhumé dans cette terre tahitienne qu’il a tant aimée.