[n°8] Tamari’i Volontaires
Le 2 septembre 1940, Tahiti rallie la France libre.
La constitution d’un corps expéditionnaire du Pacifique fut la condition de son ralliement par le commandant de la compagnie autonome et d’infanterie coloniale de Tahiti.
Le 9 septembre 1940, un millier de volontaires tahitiens se ruent au bureau de recrutement de la caserne Bruat. Ils prennent le nom de Tamari’i Volontaires en référence à leur chant de marche : Matou teie Tamari’i Volontaires.
Le 21 avril 1941, 300 d’entre eux quittent Tahiti sur le Monowai. Ils jettent suivant la tradition océanienne, leurs couronnes de fleurs à la mer.
La princesse Terii Nui O’Tahiti Pomare leur a remis un fanion qu’elle a brodé elle-même en souvenir de leurs glorieux ainés de 14-18. Elle leur demande : vous partez trois cent, revenez trois cent.
Le Monowai fait une escale à Suva aux îles Fidji puis gagne Nouméa. Le 5 mai 1941, le corps expéditionnaire renforcé des recrues néo-calédoniennes met le cap à bord du Zélandia, sur l’Australie pour stationner à Liverpool Camp à 60 km de Sydney.
Les hommes touchent habillement et équipements australiens et engagent les entraînements.
Le 29 juin 1941, le corps expéditionnaire embarqué sur le Queen Elizabeth touche fin juillet 1941 Port Tewfik où un train leur fait gagner la Palestine. Les hommes passent ensuite en Syrie. L’insigne du bataillon voit sa première ébauche à Damas. Il sera repris et modifiée par le Père Podevigne, aumônier du bataillon pour être produit au Caire en 1941.
Le 8 octobre, le bataillon fait mouvement sur Alep, la métropole syrienne du nord, proche de la frontière turque où le commandant Broche est promu lieutenant-colonel. Le BP 1, dénomination abrégée du Bataillon du Pacifique, est incorporé à la 1re Brigade française libre sous les ordres du général Koenig.
Le 28 décembre 1941, un convoi de plus de cent véhicules peints en jaune sable est formé. La 1re Brigade française libre franchit, à raison de trois cent kilomètres par jour, un parcours de mille quatre cent kilomètres pour gagner le Caire.
Les Tahitiens de la 1re Brigade française libre sont formés par les instructeurs britanniques au combat et à la survie dans les immensités de sable, à la navigation à la boussole et au compas solaire dans le désert.
Le 5 janvier 1942, le bataillon quitte l’Egypte pour la Lybie. Elle prend position à Halfaya. La garnison ennemie se rend.
Le 15 février 1942, la 1re Brigade française libre relève la 150e Brigade indienne en position à Bir Hakeim. Les Pacifiens s’enterrent et plusieurs d’entre eux participent à des patrouilles offensives appelées jock columns. Lors d’une de ces opérations, le 4 avril 1942, Kararo Tainui originaire de Napuka est tué.
Le 27 mai 142, Bir Hakeim est attaqué par la division blindée italienne Ariete.
Leurs chars sont arrêtés par les canons 75 de la 1re Brigade française libre.
Le 31 mai 1942, le Bataillon du Pacifique reçoit l’ordre de se porter à Rotonda Signali, une ancienne position italienne située à une centaine de kilomètres de Bir Hakeim pour l’occuper. Les Pacifiens sont harcelés par l’aviation allemande. Ils ne doivent leur salut que par le repli sur la position de Bir Hakeim favorisé par l’usage de la langue tahitienne dans leurs transmissions radio. John Martin témoigne : (…) Le colonel Broche flaire le piège. Il mesure la chance d’avoir dans le BP 1 des opérateurs radio d’origine tahitienne : Jean Thunot, dit Totin, auprès de lui et André Snow à Bir Hakeim, près du QG. Il demande à Totin de décrire par phonie la situation en langue tahitienne à son correspondant de Bir Hakeim qui devra en apporter de toute urgence la traduction au général Koenig. La réponse en tahitien ne s’est pas faite attendre : A hoi oioi mai ! (Revenez vite !). Les Italiens qui maitrisaient parfaitement la langue française s’étaient mis sur notre fréquence. Dès que Broche interrogeait Koenig, l’ennemi lui répondait pour lui intimer de tenir la position de Rotonda Signali.
A partir du 1er juin, l’Afrika Korps du maréchal Rommel se rue sur Bir Hakeim. Les pertes sont lourdes dans les rangs tahitiens. La 1re Brigade française libre va résister aux bombardements et assauts jusqu’au 10 juin 1942. La veille, Papa, le colonel Broche a été tué. Koenig ordonne une sortie de vive force. La chicane tenue par le bataillon du Pacifique est déminée.
Dans la nuit du 11 juin 1942, la 1re Brigade française libre s’échappe de Bir Hakeim sous le feu de l’ennemi. Au lendemain de la sortie de Bir Hakeim plus de six cent hommes de la 1ère brigade française libre ne répondent pas à l’appel dont plusieurs Tahitiens, tués ou faits prisonniers.
Les prisonniers tahitiens valides de Bir Hakeim sont embarqués sur le navire italien Nino Bixio qui est torpillé par le sous- marin anglais Turbulent. Peu en réchappent.
L’écho de Bir Hakeim est retentissant pour asseoir la France libre aux rangs des alliés. La nouvelle arrive aussi à Tahiti.
Après Bir Hakeim, les Pacifiens sont intégrés dans le Bataillon d’infanterie de marine et du Pacifique (BIMP) pour être engagés dans le secteur d’El Alamein face aux parachutistes italiens. Le BIMP est finalement versé dans la 8e Armée britannique victorieuse à El Alamein et engage dans ses rangs la poursuite des troupes de l’Axe en en Cyrénaïque et en Tripolitaine. Le BIMP pénètre en Tunisie, combat au Djebel El Garci. Le 13 mai 1943, les forces de l’Axe se rendent.
De premiers Tamari’i Volontaires sont renvoyés au Fenua car soutiens de famille déclarés ou en raison de leur âge, de leur santé ou de blessures invalidantes. Des Tamari’i Volontaires de la première heure rempilent cependant comme Albert Manutahi Ariihoro dit Paepae, ancien poilu.
Le BIMP est transporté en Algérie. Le 18 avril 1944, il embarque pour l’Italie dans les rangs de la 1re Division française libre.
Le 11 mai 1944, les Pacifiens sont d’abord engagés à Girofano puis à San Gorgio. Les pertes sont lourdes dans les rangs tahitiens. Le BIMP est cité à l’ordre de l’armée : Bataillon au passé glorieux qui, après s’être battu sur tous les champs de bataille des Forces françaises libres en Libye, en Erythrée, à Bir Hakeim, à El Alamein et en Tunisie vient de fournir en Italie de nouvelles preuves de sa valeur.
Le 7 août 1944, le BIMP en ordre de combat, embarque avec la 4e brigade Française Libre, dans le port de Tarente, au sud de l’Italie, à bord de l’Empire Pride. Leur destination est la terre de France. Le 15 août 1944, le BIMP débarque en Provence.
La première ligne de défense couvrant Toulon a été percée mais l’Hôtel du Golf qui a été fortifié par les Allemands interdit le passage. Le BIMP est chargé de réduire ses défenses. Le bataillon pénètre ensuite dans Hyères, occupent La Garde puis sont engagés à La Mauranne où le feu meurtrier ennemi décime leurs rangs.
Le bataillon entre dans Toulon puis suit le mouvement de la 4e brigade vers Aix en Provence, Arles, Nîmes, Lyon puis les Vosges où il combat pendant 4 jours à Ronchamp face à des SS fanatiques bien armés ne se rendent pas.
Les Tamari’i Volontaires sont relevés. Ils sont affectés à la garde du général Koenig, gouverneur militaire de Paris. Certains Tamari’i Volontaires poursuivent cependant dans la campagne d’Alsace et les combats d’Authion.
Les Tamari’i Volontaires stationnent à la caserne de la Tour- Maubourg et renouent avec les guitares qui ont fait leur légende.
Le 14 mars 1946, les volontaires tahitiens et calédoniens embarquent à Marseille sur le Sagittaire pour Tahiti et à Nouméa. Le 5 mai 1946, les Tamari’i Volontaires retrouvent leur île après cinq années de guerre et un lourd tribut du sang.
Biographie : Ari Wong Kim, le dernier des Tamari’i Volontaires
Ari Wong Kim est le dernier des Tamari’i Volontaires du glorieux bataillon du Pacifique.
Ari est le fils de Wong Kim ressortissant chinois artisan immatriculé sous le numéro 1147 et de Heimano a Ani née le 23 septembre 1887 à Paea. Ari est élevé par son oncle et sa tante maternelle à Papara, Papa et Mama Taaroa.
Il s’engage, âgé à peine de 16 ans sous le nom d’emprunt de son frère Tetuahira a Teaupahere dit Tetua né le 6 avril 1922 à Papeete.
La date de naissance qui figure sur le dossier militaire d’emprunt de son frère aîné fait notamment l’objet d’un point d’interrogation du service de recrutement qui a été informé par sa sœur Ah-Len « Raita » Wong Kim de la présente usurpation d’identité.
Néanmoins, Ari est incorporé à la Compagnie d’infanterie coloniale de Tahiti le 16 septembre 1940 et fera sous le nom de son frère aîné toutes les campagnes du Bataillon du Pacifique.
Dans le désert de Lybie, Ari est chargeur d’un canon de 75 monté sur un camion et participe à des jock column. Il combat à Bir Hakeim pour s’en échapper lors de la sortie de vive force en juin 1942. Il combat à El Alamein, fait la campagne de Tunisie, se bat en Italie où il est blessé une première fois le 11 mai 1944. Lors du débarquement de Provence, il est blessé une seconde fois à la Garde le 22 août 1944, évacué sur Cavalaire où il est embarqué pour Oran le 25 août 1944. Ari est dirigé sur Blida le 10 septembre 1944 pour être hospitalisé. Il retrouve son unité pour participer à la campagne des Vosges puis à la garde du gouverneur militaire de Paris.
Après avoir travaillé à la Samaritaine à Paris, en autres, Ari se retire en France. Il séjourne aujourd’hui avec sa seconde épouse Odette dans la Maison de retraite des Bougainvilliers.
Ce 1er janvier 2020, Ari Wong Kim a été élevé au rang de Chevalier de la Légion d’honneur sur proposition du Président de la République qui s’exprimait dans ces termes : L’Appel du Général de Gaulle nous rappelle ces heures décisives qui déterminèrent la suite de la Seconde Guerre mondiale, au cours desquelles il refusa l’inacceptable et appela les Français à poursuivre le combat.
Le 2 septembre 1940, un millier de Tahitiens firent le choix courageux de rallier la France libre. Leur contribution fut importante aux actions de résistance intérieure, comme dans tous les théâtres d’opérations et au sein de tous les corps d’armée.
Le 80e anniversaire de l’Appel du 18 juin sera notamment l’occasion de souligner la participation des Français des territoires ultramarins à ces nobles chapitres de notre histoire collective.
Ce premier hommage solennel s’accompagnait de celui de Mme Florence Parly, Ministre des armées qui dans une lettre personnelle adressée à M. Ari Wong Kim écrivait : Je tiens tout d’abord à rendre hommage aux Tamari’i Volontaires qui ont combattu avec bravoure pour la France durant la seconde guerre mondiale.
Une phrase résume à elle seule, Ari Wong Kim : Si c’était à refaire, je le referai sans la moindre hésitation.