PROJECTION DU FILM « E ARIOI VAHINE » ET RENCONTRE AVEC LA REALISATRICE VIRGINIE TETOOFA
La première réaction est venue d’un tahitien qui s’est exprimé dans sa langue, M. Raymond Graffe, très investi dans la culture arioi. Ce spectateur a interrogé Mlle Tetoofa sur les tatouages spécifiques aux Arioi, primordiaux dans la culture tahitienne. La réalisatrice a précisé que l’actrice arbore l’un des tatouages Arioi, mais pas celui du dieu Oro comme le déplorait le spectateur. Elle a souligné la difficulté rencontrée pour obtenir ces tatouages rares et le choix personnel qu’elle a fait. Les tatouages en Polynésie transmettent un message fort qu’il ne faut pas prendre à la légère. Le spectateur a ensuite questionné la réalisatrice sur le rituel du sacrifice du nouveau-né qui se réalise, selon certaines sources, par étouffement, avant même la sortie complète de l’enfant du ventre de sa mère. La réalisatrice a justifié son choix (dans le film, le sacrifice a lieu lorsque l’enfant est totalement sorti) en expliquant qu’elle a voulu retranscrire l’hésitation de la mère à sacrifier son enfant au nom de la tradition. Elle attend un signe des dieux pour se décider : l’enfant doit crier pour s’affirmer en tant qu’être humain. Un autre commentaire en tahitien a exprimé le grand honneur, pour les anciens, de voir des jeunes s’intéresser aux traditions et traiter des sujets comme celui de ce film. Il a ensuite remercié la réalisatrice.
Ces commentaires montrent bien la grande difficulté que Virginie Tetoofa a pu rencontrer en choisissant de traiter un sujet si complexe et controversé de la tradition tahitienne. Ce choix, et la manière dont elle le traite, la place parmi les réalisatrices engagées. Elle a répondu qu’elle ne voulait pas faire un film »carte postale »sur la Polynésie comme suffisamment de gens savent le faire, mais qu’elle voulait parler de la réalité polynésienne et de ses traditions. Elle a aussi voulu susciter l’intérêt des jeunes pour leur culture. Elle a choisit ce sujet après la lecture d’un roman intitulé Arioi, dont l’auteur est inconnu, qui l’a beaucoup marqué. Elle s’est ensuite documentée auprès des anciens mais aussi dans la littérature coloniale qui est la seule source écrite que l’on peut rencontrer car la culture polynésienne est de tradition orale.
Des questions plus techniques ont suivies, concernant le budget et le temps nécessaire à l’élaboration de ce court métrage ; 3,7 Millions de francs pacifiques et 9 mois ont été nécessaires pour mener à bien ce projet. Virginie Tetoofa a précisé qu’elle a eu la chance de pouvoir utiliser le matériel de son école en Australie sans quoi, ce travail n’aurait pas été faisable. Concernant son d’avenir, elle a expliqué qu’elle travaillait sur un projet de film documentaire en tant que cadreuse, car elle est très intéressée par les cadrages et la lumière. Elle travaille aussi sur une « vidéo art » sur la vie d’une fleur tahitienne.
Elle a conclu en donnant quelques conseils avisés aux jeunes de l’ISEPP présents dans la salle : « le travail de réalisateur est un travail très difficile qui nécessite de la volonté, du travail, un peu de talent et beaucoup de chance ». Elle a ajouté qu’il était important de bien se spécialiser et de ne pas se disperser et cumuler les fonctions. Sur un tournage chacun doit avoir une seule responsabilité sur laquelle il faut se concentrer pour bien faire.