« RADIOSCOPIE DU NUMERIQUE DANS LE MONDE EDUCATIF »
Inspecteur, représentant de l’université, directeur d’établissement, consultant, fournisseur, syndicat, association de parents d’élèves, jeunes… Treize personnes étaient réunies hier après-midi pour débattre de l’Education et du Numérique.
La « Cène » a commencé par faire état des moyens mis à disposition des acteurs de la formation de l’éducation pour les aider dans leur utilisation des technologies de l’information. « L’IUFM, aussi bien que l’Ecole Normale, forme les futurs instituteurs d’Etat et les futurs professeurs des écoles à l’utilisation des TIC, dans et pour l’enseignement, a d’abord rappelé Jean Louis Laflaquière, Inspecteur, représentant du Ministère. C’est ce que l’on appelle le C2I2E, Certificat Informatique et Internet appliqué au monde de l’enseignement ». Une formation qui reste encore malheureusement insuffisante à ce jour. Il poursuit : « Nos élèves apprivoisent les outils par eux-mêmes. J’aimerais que les enseignants fassent cet effort de migration vers l’utilisation et l’intégration ordinaire de ces outils par et pour eux-mêmes pour s’adapter au tissu numérique de nos écoles ». La notion d’adaptabilité a également été abordée : si les actions de formation sont de plus en plus importantes, elles doivent aujourd’hui être spécifiées vers des outils oraux, telle que la téléphonie mobile, qui peut permettre de développer des perspectives pédagogiques de travail intéressantes. « Plus de 65% des foyers polynésiens sont aujourd’hui connectés à l’Internet en haut débit, a noté l’Inspecteur. L’école ne peut pas ne pas se saisir de ces médias, de ces outils formidables, car il nous faut accompagner l’utilisation qui en est faite par les élèves au plus tôt, dès l’école maternelle. Mais on ne peut pas faire faire d’informatique à l’école s’il n’y a pas d’équipements. […] Dans le primaire, a-t-il ajouté, nous disposons d’un ordinateur pour 20 élèves et de gros efforts ont été faits par le pays au niveau de la connexion : elle est offerte à tous les établissements scolaires du premier et du second degré ».
Sur cette question du matériel, Frank Mevel, Responsable informatique de l’Université, a rebondit en pointant du doigt la nécessité d’optimiser les outils DEJA disponibles. « Le campus numérique de l’université visait à offrir des formations à distance, a-t-il expliqué, mais la vitesse de connexion ne permet pas encore de le faire. Pour le moment, nous nous servons donc du campus comme plateforme d’hébergement pour les cours des différents enseignants. En attendant, nous n’avons pas forcément besoin d’attendre autre chose : les services que nous mettons en place au niveau de l’université (accès aux cours, aux emplois du temps, aux résultats, aux environnements de travail, aux mails des étudiants…) doivent être accessibles de la Polynésie a t-il détaillé, et pour cela nous n’avons pas besoin d’attendre le câble ».
Un constat appuyé par Michel Lacave, Consultant senior en innovation, qui souligne en parallèle : « On ne peut pas non plus laisser de côté les familles qui ne disposent pas de matériel informatique. Le problème d’égalité d’accès à la connaissance est important. Il reste énormément à faire sur le point de vue social pour que les gens s’équipent ». Certes, la route est encore longue mais le chemin est déjà déblayé et peut-être que ce décalage que certains accusent aujourd’hui n’est finalement pas plus important que celui que d’autres ont subi au moment de la vulgarisation du poste de télévision. Cette question d’(in)égalité des chances, a posé, en filigrane, la question du prix des abonnements [et plus loin peut-être celle du monopole de Mana – ndlr]. Certains parents, a-t-il été noté, se laissent dépasser par leurs enfants qui téléchargent à outrance, font exploser les forfaits Internet et se retrouvent ainsi le couteau sous la gorge quand la facture arrive à la maison.
La relation de confiance entre parents et enfants découle directement de cette réflexion ainsi que la corrélation sous-jacente entre écoles et familles. Si certains parents d’élèves se sont inquiétés de la teneur des contenus véhiculés et des garde-fou mis en place pour limiter les dérives, Marcel Desvergne, animateur du débat, a quant à lui souligné que le concept de « virginité numérique » devait probablement être abordé avec le même regard que celui que l’on porte dans la vie de tous les jours sur les dangers, difficultés et autres problèmes auxquels nos enfants sont ou peuvent être confrontés. Et si le Certificat informatique et Internet (C2I), le Brevet informatique et Internet (B2I), et la charte d’utilisation d’Internet instaurée dans les établissements peuvent prévenir les dérives comportementales de nos petits chérubins, il a été rappelé à juste titre que ce n’est pas parce que l’on est détenteur du permis de conduire que l’on ne fait jamais d’erreur. En d’autres termes, il est impossible d’empêcher les dérives, seules certaines précautions peuvent êtres prises. À ce titre il a d’ailleurs été précisé que Mana développait un outil de filtrage à destination des connexions dans les établissements.
Au chapitre des nouveautés, Jean Louis Laflaquière a annoncé la généralisation à partir de l’année prochaine de l’apprentissage de l’anglais via Internet dans toutes les classes de CM2. Sur la lignée, il a également évoqué la destinée bientôt providentielle de la visioconférence pour désenclaver les archipels éloignés et « désenclaver pédagogiquement les enseignants ». « La visioconférence constitue une perspective de travail plus qu’intéressante avec les pays anglophones comme la Nouvelle-Zélande et Hawaï, a-t-il indiqué ».
Yves Rotureau, Directeur adjoint du Collège de Punaauia a pour sa part annoncé la mise en service effective dans les prochaines semaines d’un logiciel permettant de joindre les familles par SMS « car, a-t-il rappelé, l’informatisation est aussi à destination des plus âgés ».
L’université a quant à elle annoncé le développement de podcasts , basé sur le volontariat d’enseignants au départ, avec pour ambition, à terme, de mettre à disposition des étudiants la plupart des cours.
Vetea Trouche-Bonno, conseiller du Directeur général de Tikiphone a ensuite soulevé la problématique de l’accès à toutes les applications qui pourraient être développées autour du domaine de la formation et de l’éducation depuis la mise en place, fin 2009, du réseau de téléphonie à haut débit 3G+.
Et pour répondre enfin à la suggestion d’une étudiante de programmer de petits modules à la Télévision sur la formation à l’outil informatique, RFO a annoncé que la chaîne diffusera prochainement des émissions courtes, éducatives et ludiques, relatives au numérique.
En conclusion, Michel Paoletti, Président des Rencontres Numériques, a constaté qu’il y avait encore beaucoup à dire et faire sur l’approche tout à fait différente de l’accès à la connaissance et aux savoirs qu’induit le développement du numérique et l’introduction des Technologies de l’Information et de la Communication dans les établissements scolaires. Le débat reste ouvert !
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