Taputapuatea, îles Marquises et UNESCO : où en est-on ?
Rencontre avec Matahi Chave, du département valorisation et diffusion du Service de la Culture et du Patrimoine, et Tamara Maric, archéologue.
Taputapuatea, îles Marquises et UNESCO : où en est-on ?
Le Service de la Culture et du Patrimoine, par le biais du Ministère de la Culture, coordone deux demandes de classement au Patrimoine Mondial de l’UNESCO : le site du marae Taputapuatea – Te Pö, à Raiatea et les Îles Marquises. Voici un point sur l’origine de ces dossiers, leur état d’avancement et leurs perspectives.
Marae Taputapuatea – Te Pô – Raiatea
Petit historique
La première demande d’inscription de ce site a été initiée par Gaston Flosse en 1997, puis en 2002 par le Secrétariat d’Etat à l’Outre-Mer. Le dossier a véritablement été lancé en 2005 par la Jeune Chambre Economique, sous l’impulsion de Richard Tuheiava. Il a été repris en 2007 par l’association Na Papa e Va’u, de Raiatea, créée spécialement pour défendre et promouvoir ce projet.
En 2009, l’élaboration du dossier d’inscription est lancée officiellement par la Polynésie française, au titre des « biens culturels en série, transnational », et inscrit sur la liste indicative de la France en mai 2010 L’aspect « transnational » signifie que le dossier pourrait être présenté en lien avec les sites des autres Etats-parties, à savoir les Iles Cook, la Nouvelle-Zélande, et Hawaii.
Une valeur partagée dans tout le triangle polynésien
Taputapuatea est un ensemble cérémoniel majeur, il fut le centre de l’influence religieuse et politique de la lignée des grands hui ari’i de ‘Opoa, qui influa sur l’histoire non seulement des Iles de la Société, mais également des Iles Cook, et probablement d’une partie des Australes. Le nom de « Taputapuatea » est si prestigieux qu’on le retrouve, sous différentes formes, jusqu’aux Tuamotu (à Fakarava), à Aotearoa (Nouvelle-Zélande), et à Hawaii. Il est devenu un lieu incontournable de l’expression de l’identité polynésienne, où se réunissent régulièrement des représentants culturels des îles du triangle polynésien.
Où en est-on aujourd’hui ?
L’appel à candidatures quant à la rédaction du dossier de présentation a été lançé en 2011. C’est le bureau d’études GIE Océanide, basé à Nouméa et qui a mené à bien l’inscription des lagons de Nouvelle-Calédonie, qui est chargé de préparer le dossier de candidature et le plan de gestion du site de Taputapuatea, avec le concours de l’association Na Papa E Va’u et de la commune de Taputapuatea. Le dossier avance bien et pourrait être remis au Pays d’ici la fin de l’année.
Iles Marquises, Te Fenua Enata
Petit historique
Les îles Marquises ont été inscrites sur la liste indicative de la France en 1996, à l’instigation de l’ancien maire de Nuku Hiva Lucien Kimitete, au titre des « biens culturels ». Le projet a ensuite été repris en 2005 mais n’a pas pu aboutir. En 2009, suite à un rapport de l’UICN* faisant état d’un patrimoine naturel exceptionnel, le dossier Marquises a été repensé en « bien mixte en série* », et officiellement lancé par la Polynésie française. L’ajout de critères du patrimoine naturel a été accepté en 2010 par le Comité national des biens français au Patrimoine Mondial, une fois reformulée la « Déclaration de valeur universelle exceptionnelle ».
Un ensemble unique
Le classement des Iles Marquises repose désormais sur une « série » de biens, ou sites, dont l’intérêt naturel ou culturel est jugé exceptionnel : biodiversité terrestre ou marine, richesse culturelle des sites (historiques ou archéologiques, légendaires) liés au « patrimoine immatériel », tels que les chants, les savoir-faire (tapa, sculpture, etc).
Où en est-on aujourd’hui ?
La création des six comités de gestion (un par commune) a été finalisée en 2012. Un séminaire d’experts s’est déroulé fin 2012 à Hiva Oa et Nuku Hiva, suite à quoi 43 sites potentiels ont été proposés pour leur aspect exceptionnel. Il faudra n’en sélectionner qu’une partie avant de lancer l’appel à candidatures pour rédiger les plans de gestion. Ce séminaire a notamment permis de préciser la « valeur universelle exceptionnelle », qui devrait aider à orienter le choix des sites.
Les 5 C de l’UNESCO
Conservation, Compétence, Crédibilité, Communication et Communautés
Qui fait quoi ?
Le cadre réglementaire mis en place prévoit :
– Un comité de pilotage
Il est présidé par le Président du Pays et le Haut-Commissaire de la République. Il réunit les décideurs et responsables politiques, les agents et experts, et la société civile. Il valide l’ensemble des opérations techniques nécessaires à l’avancement des dossiers de candidature et se réunit au moins une fois par an.
– Un comité de gestion
Il associe la société civile à la commune, il est présidé par le maire et le secrétariat est assuré par une association.
> Pour Taputapuatea : association Na Papa E Va’u. Elle est chargée de la mise en place des comités de gestion et du suivi de leurs travaux, en coordination avec le comité de pilotage et du conseil d’experts. Elle assure le fonctionnement logistique et administratif des comités de gestion sur la base des fonds recueillis auprès des institutions ou de toutes autres ressources.
> Pour les îles Marquises, il y a six comités de gestion. L’association référente est Motu Haka.
Les comités de gestion de Fatu Hiva, Hiva Oa, Nuku Hiva, Tahuata, Ua Huka et Ua Pou ont pour mission de favoriser la sensibilisation et la participation de la communauté locale, et de promouvoir une meilleure connaissance du patrimoine ainsi qu’un inventaire documenté de celui-ci. Ils doivent proposer et valider auprès du comité de pilotage un plan de gestion et d’aménagement durable tel que requis par l’UNESCO pour une durée de trois années renouvelables. Le plan de gestion et d’aménagement doit détailler les zonages, chartes ou limitations d’utilisation éventuellement souhaitées en concertation avec la communauté locale. Les comités de gestion assurent le suivi et l’évaluation des actions menées en faveur de la préservation du site et en rendent compte au comité de pilotage.
– Un conseil d’experts
Sa coordination est assurée par un chef de projet et deux coordonnateurs. Le conseil d’experts contribue à la connaissance de l’histoire, de l’archéologie, de la culture, de la tradition orale, des coutumes, des espèces et des espaces et apporte l’aide scientifique et technique au dossier. Il cadre les réflexions du comité de gestion, apporte toutes informations utiles à la population et joue un rôle de vulgarisation. Le conseil des experts est divisé en deux collèges, un naturel et un culturel.
> Pour Taputapuatea : Richard Tuheiava
> Pour les îles Marquises : Pascal Ehrel-Hatuuku
Le chef de projet remet un compte-rendu des difficultés ou problèmes éventuels rencontrés et émet des recommandations d’ordre technique pour l’avancement du dossier.
– Un comité rédactionnel
Il réunit le chef de projet, les coordonnateurs et les spécialistes (rédacteurs, cartographes, photographes, illustrateurs, etc…). Il met en forme les matériaux fournis par les deux collèges du conseil d’experts.
Qu’est-ce que la valeur universelle exceptionnelle ?
Ce qui justifie le classement d’un bien au patrimoine mondial de l’UNESCO, c’est sa valeur, universelle et exceptionnelle. Celle-ci peut être scientifique, patrimoniale, spirituelle, historique… Mais c’est aussi la valeur qu’elle représente pour sa population, avant d’être importante aux yeux du reste du monde. La liste du Patrimoine Mondial compte actuellement plus de 981 biens inscrits. Qu’est ce qui regroupe ces biens, si différents entre eux (types, lieux, taille, ancienneté) ? La « valeur universelle exceptionnelle est le critère qui rassemble ces patrimoines, témoins de la diversité et de la richesse de l’humanité et des milieux naturels ».
Pour en savoir plus : http://portal.unesco.org
Les avantages du classement au patrimoine mondial de l’UNESCO
Outre la notoriété et l’attrait touristique que cela entraîne (20% d’augmentation de la fréquentation touristique la 1ère année), les biens classés sont sous une sorte de sauvegarde internationale. Dès lors, ils appartiennent à un Etat-partie qui en a la responsabilité, mais aussi à l’Humanité. Il existe un système de coopération internationale qui peut aider un Etat-partie à la conservation de ce patrimoine d’un point de vue matériel et financier, permettant de prendre des mesures de sauvegarde lorsqu’elles sont nécessaires. Mais un tel label, extrêmement long et complexe à obtenir, est une formidable opportunité et reconnaissance pour tous. « Cela permet de structurer les choses tant au niveau culturel, social qu’économique, souligne Matahi Chave du département valorisation et diffusion, car le plan de gestion prend tous ces aspects en compte dans l’intérêt des populations. »
Pour y voir plus clair
Les biens inscrits au Patrimoine Mondial de l’humanité le sont selon différentes catégories :
– Biens culturels (ex : parc national de Rapa Nui, la grande muraille de Chine, plus récemment le site d’essais nucléaires de Bikini aux îles Marshall, le Domaine du chef Roi Mata au Vanuatu)
– Biens naturels (ex : parc Yosemite, aux Etats-Unis, les Lagons de Nouvelle-Calédonie)
– Biens mixtes (culturels et naturels) (ex : parc Tongariro, en Nouvelle-Zélande, Papahānaumokuākea, à Hawaii ou le Mont Perdu dans les Pyrénées)
En 2013, la Liste du Patrimoine Mondial comporte 981 biens constituant le patrimoine culturel et naturel que le Comité du Patrimoine Mondial considère comme ayant une valeur universelle exceptionnelle. Cette liste comprend 759 biens culturels, 193 naturels et 29 mixtes répartis dans 160 Etats Parties. Depuis septembre 2012, 190 États Parties ont ratifié la Convention du Patrimoine Mondial.
L’Océanie compte 28 sites classés au Patrimoine Mondial de l’UNESCO : 19 en Australie, 1 à Fidji, 1 aux îles Marshall, 1 à Palaos, 1 au Vanuatu, 3 en Nouvelle-Zélande, 1 en Nouvelle-Calédonie, 1 à Hawaii.
+ d’infos : http://whc.unesco.org/fr/list/
* Union Internationale pour la Conservation de la Nature.