FIFO 2019 : The Dome : le nucléaire, un poison d’hier et de demain ?
Le journaliste australien Ben Hawke s’est intéressé aux tests nucléaires menés par les Américains aux îles Marshall dans les années 50. Un dôme a été créé pour entasser les tonnes de déchets dans lesquels se trouve du plutonium, substance mortelle. Ce documentaire, sélectionné pour le FIFO, dénonce une situation à risque. Rencontre.
Quel impact les essais nucléaires ont-ils eu sur la population et les militaires ? Quels sont les risques des déchets nucléaires laissés par les Américains face aux changements climatiques ? La montée des eaux menace-t-elle de libérer le plutonium radioactif dans tout le Pacifique ? Ben Hawke pose ces questions dans son film The Dome. Durant 41 minutes, le journaliste qui vit aujourd’hui en Australie dresse un tableau peu glorieux des tests nucléaires menés aux îles Marshall dans les années 50. Une bombe en particulier, « Castle Bravo » tirée en 1954, a eu un impact grave sur la population. « Elle était mille fois plus puissante que la bombe d’Hiroshima. A l’époque, la population n’a pas été évacuée. Une pluie de radioactivité est tombée provoquant des problèmes de brûlures sur les bras et la tête, des enfants sont mort-nés. Certaines victimes ont été amenées aux USA pour faire des tests comme des animaux ». Cet essai marquera à jamais la population de ces îles. Cancers, maladies de peau, malformations… Les conséquences sont nombreuses et importantes. Que ce soient chez les anciens militaires US comme les autochtones, de nombreux combats ont été menés avec un objectif commun : faire reconnaître les conséquences des essais sur la santé et obtenir une indemnisation. A l’instar de la France pour les essais à Moruroa et Fangataufa, les États-Unis mettront des années avant d’assumer leur responsabilité. « Certaines personnes se battent encore aujourd’hui comme la jeune poète Katy qui est dans mon film mais la population vieillit. Un vieil américain a aidé les gens durant trente ans et a commencé à numériser toutes les archives mais il est décédé il y a peu. Malheureusement, aujourd’hui, il n’y a pas de relève».
Des effets irrévocables
Perdues dans le Pacifique, les îles Marshall ont toujours eu du mal à attirer l’attention sur leur situation. Pourtant, aujourd’hui, elle est alarmante. Après les essais nucléaires, 4 000 militaires américains ont été envoyés sur place dans les années 60. Le but : nettoyer les lieux afin que les gens puissent revenir chez eux. En effet, à l’époque, des populations entières ont été déplacées afin de mener à bien les essais. « Aujourd’hui, elles n’ont plus l’espoir de retrouver leur terre. Une terre qui est polluée et inexploitable ». Les militaires ont entassé les déchets dans un dôme, situé sur l’île de Runit, un bout de corail entouré de lagons qui a servi d’avant-poste des îles Marshall. Ce dôme contient notamment 400 blocs de plutonium, une substance mortelle. « Il n’y a pas de barrières, ni de gardes, c’est plus ou moins accessible. Pourtant, on sait que là-bas le poisson comme les cocos sont encore contaminés ». Ben Hawke s’est rendu sur place avec son équipe. Nul besoin d’autorisation pour y aller car l’île n’est pas contrôlée, le plus compliqué finalement a été de s’y rendre. Runit se trouve à des milliers de kilomètres et les avions qui y vont ne font pas toujours les allers-retours. « On savait quand on arrivait mais pas quand on pourrait repartir ». Le journaliste, pourtant familier des questions du nucléaire pour avoir déjà travaillé sur l’accident de Fukushima et la bombe d’Hiroshima, a été impressionné par ce dôme rempli de déchets nucléaires. Mais, surtout, il s’est inquiété du risque que ces déchets puissent finir leur vie dans le Pacifique et polluer l’océan. Le changement climatique et la montée des eaux pourraient bien avoir des conséquences graves et irrévocables. « Les politiques encensent le nucléaire et son énergie jusqu’à ce qu’il y ait un accident…. Mais, alors, il sera trop tard ».
FIFO – Suliane Favennec