The Opposition : un combat mondial
Crée il y a deux ans, Inside the doc fait désormais partie intégrante du FIFO. Animé par un bénévole du festival, il s’agit d’une discussion ouverte avec un réalisateur ou un producteur, et le public. Un format qui a su séduire les festivaliers, au fil des ans.
Un canapé et des chaises sous le banian du paepae de la Maison de la Culture. Des objets de confort et un lieu symbolique d’échange et de discussion. Le décor est planté. Organiser Inside the doc à cet endroit précis, et de cette manière, prend tout son sens. Car c’est bien de cela dont il s’agit, passer un moment à discuter et échanger autour d’un film, d’une histoire, d’un patrimoine, et d’une culture, avec le confort d’un café d’artistes. Ce mercredi 8 février, la réalisatrice Hollie Fifer vient discuter de son documentaire The Opposition. Un film sur la destruction d’un quartier traditionnel de Port Moresby par un promoteur australien. Un film qui raconte le combat difficile de cette communauté de Papouasie Nouvelle-Guinée contre le pouvoir de l’argent.
La cohésion d’une communauté
A l’époque, Hollie Fifer vivait à Sydney en Australie. Elle s’intéressait à la corruption au plus au niveau, et effectuait des recherches sur le coup d’état en Papouasie Nouvelle-Guinée. « Je suivais la leader de l’opposition. C’est la communauté qui m’a contactée et expliqué ce qu’il se passait ». Les Papous vivant dans ce quartier menacé de destruction pour un projet immobilier ont autorisé pour la première fois une caméra parmi eux. « Ils voulaient que leur combat soit un exemple pour les autres communautés dans le monde ». Mais qui sont ces personnes, quelle est l’histoire de cette communauté, de ce quartier ? interroge Khadidja Benouataf, journaliste et coordinatrice à Paris du FIFO, qui anime cet Inside the doc. « C’est une installation informelle mise en place après la seconde guerre mondiale. Cela fait quatre générations qu’ils sont là. J’ai beaucoup rencontré de communautés papous, mais c’est avec eux que je me suis sentie le plus en sécurité ». La réalisatrice a été étonnée de découvrir une communauté avec beaucoup de cohésion, un groupe de yoga, de réflexion, de justice sociale, ou encore de pêche… « Ils sont très organisés. Dès que Joe Moses, le leader, entend quelqu’un s’intéressait à quelque chose, il créer un groupe de réflexion. Nous avons beaucoup de choses à apprendre d’eux ».
Un combat de vie
Dans ce documentaire, les images sont parfois violentes. Comme cette scène où les policiers tirent sur la population. La réalisatrice a réussi à capturer ces images, en suivant notamment la leader de l’opposition appelée par la communauté pour leur venir en aide. « Elle m’a proposé de la suivre, je n’ai pas hésité ». Au départ, la situation est confuse. La communauté, comme les spectateurs actifs ou passifs, pensent que seule une maison sera détruite. La réalité est bien pire. Ce n’est pas une mais plusieurs fare détruits par des bulldozers envoyés par les promoteurs, et protégés par la police. « Au départ, j’étais inquiète. Je savais qu’un journaliste s’était fait casser sa caméra avant de se faire expulser du lieu. Mais, finalement, quand je suis arrivée, ils étaient tellement occupés à détruire, qu’ils m’ont oubliée ». Hollie Fifer a vu la situation dégénérer à la vitesse de l’éclair. « Il a suffi qu’un résident soit trop près d’un policier pour qu’ils se mettent à tirer ». Autre moment fort du film, cet instant où l’on apprend que l’Etat devient partenaire du promoteur à 50%. « C’est devenu une source d’inquiétude pour la sécurité de Joe Moses, qui a dû vivre dans la clandestinité ». Aujourd’hui encore l’homme vit au Royaume-Uni, il ne peut pas pour l’heure revenir dans son pays. « En tant que réalisateur nous avons cette responsabilité. En nous racontant leur histoire, nos témoins se mettent en danger, à nous, ensuite, de les protéger ».
Une problématique mondiale
L’animatrice s’évertue, non sans difficulté, à ne pas poser de questions qui dévoileraient le film. Il s’agit d’une mise en bouche, d’un avant-goût pour les festivaliers, et ainsi leur donner envie d’aller voir ce documentaire. Alors, sans trop de détails, on revient sur les personnages complexes, la déception d’apprendre les rouages du système, les solutions possibles pour combattre les promoteurs, mais aussi le gouvernement et les institutions sur lesquels le peuple ne peut plus compter pour les défendre. Ce combat est local mais il résonne à l’international. Cela n’a pas échappé à Dany et Philippe, spectateurs. « La situation entre là-bas et ici est similaire ». Tous les deux mènent quotidiennement une lutte similaire. Avec leur association Rohutu Noanoa, le couple de retraités se battent pour sauver la pointe de Tataa, au Beachcomber. Cette pointe située au Nord-Ouest est un lieu où les âmes s’envolent. Alors quand Dany et Philippe ont appris que des suites de luxe allaient être construites à cet endroit, ils ont bondi. « Nous nous battons mais toute la communauté doit réagir. Ce film interpelle et nous donne beaucoup de courage », confie Dany. A la fin de cet Inside the Doc, Dany, Philippe et la réalisatrice partent s’installer sous le chapiteau de la Maison de la Culture. Une rencontre est née, une discussion se forme, avec peut-être un film prochainement ? C’est là toute la magie du FIFO.